Dossier : Êtes-vous à l’heure de la 4K/UHD ?

4K ? Ultra Haute Définition ? UHDTV ? Quad Full HD ? Toute une panoplie d'appellations que les consommateurs rencontrent de plus en plus souvent, que ce soit lorsqu'ils s'arrêtent chez un revendeur d'écrans de téléviseurs, ou bien en sortant d'une salle de projection cinéma. L'industrie parle déjà de « migration vers la 4K » et vante la qualité supérieure de l'image avec ces résolutions. Qu'en est-il exactement ? Quelles sont les contraintes réelles qui se cachent derrière ces nouveaux formats ? Est-ce une simple question de taille d'image ?
Bandeau 4K_home.001.jpg

 

Mesclado s’est appuyé sur son programme de veille afin de mieux cerner l’environnement 4K/UHD, en participant notamment à plusieurs groupes de travail de la SMPTE. Onze points techniques cruciaux en ont été dégagés, couplés à un douzième point stratégique : les opportunités marché. Cet article a pour vocation de clarifier les contraintes et de préciser les limites réelles de cet écosystème. Le but final étant d’identifier les opportunités offertes en production comme en distribution, fort d’une meilleure vision de cet environnement complexe.
Définissons tout d’abord toutes ces notions. La 4K est la résolution adoptée par le groupe de travail DCI (Digital Cinema Initiative) pour une taille d’image 4096 x 2160 pixels. L’UHD – ou encore 4K UHD, UHDTV ou Quad Full HD – est son pendant en télévision avec 3840 x 2160 pixels, quadruple de la HD 1080p. Il s’agit d’un format normalisé par l’ITU-T et par la SMPTE.

 

 

Ces tailles d’image sont supposées représenter la résolution. Les constructeurs d’équipements n’hésitent pas d’ailleurs à coller un logo « 4K » sur les caméras ou les téléviseurs. Or, un capteur de caméra CMOS ou une dalle LCD en 4096 x 2160 ne signifie pas une résolution 4K native.
En effet, en captation, ce sont les caractéristiques du bloc optique dans la tête de caméra qui déterminent si le signal dispose ou non d’une entropie 4K. En d’autres termes, encore faut-il que les données de la caméra soient autre chose qu’un signal 2K « gonflé ». Une caméra grand public du type GoPro Hero 3 Black Edition, par exemple, est munie d’un capteur 4K UHD de taille proche du 1/2 pouce. En comparaison avec une caméra professionnelle Panasonic AG-HPX600 munie d’un capteur 2/3 de pouce HD, la GoPro devrait disposer d’une résolution optique au moins 3 fois meilleure pour atteindre les mêmes performances. Ce qui implique un bloc optique très précis et donc très onéreux. La résolution n’est donc pas une simple question de taille de capteur.

 

La bande passante : passer à des résolutions quadruples de la 2K/HD implique nécessairement une masse de données plus importante par image, et donc plus de débit. Or, l’infrastructure réseau, que ce soit en postproduction ou en diffusion (terrestre ou satellitaire), évolue beaucoup plus lentement. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur de nouvelles technologies en termes d’interfaces de connectiques (SDI, HDMI, DisplayPort, etc.) et de nouveaux codecs, surtout en distribution B2C. À titre d’exemple, un encodage H.264 pour la TNT UHD fournirait un débit d’environ 25 Mbps, autorisant une seule chaîne possible par multiplex (au lieu de 3 chaînes HD aujourd’hui).

 

Le format : afin d’atteindre des débits adéquats, de nouveaux codecs sont nécessaires. L’enjeu en compression audio et vidéo reste le même, une meilleure qualité à moindre débit. Toutefois, il faudra bien intégrer ces nouveaux codecs à la fois sur les moyens de production (caméra, enregistrement, etc.), sur les plateformes de montage et de postproduction : Apple ProRes, déjà bien implanté mais propriétaire et quasi-limité à un environnement Apple Mac, de nouvelles implémentations venues de GoPro (VC-5), Panasonic (AVC-Ultra) et Sony (XAVC) où beaucoup reste encore à implémenter. Côté grand public, les décodeurs (set-top boxes, cartes graphiques, etc.) intègrent peu à peu HEVC. Ajoutons qu’il faudra également limiter le plus possible les contraintes quant aux systèmes de transcodage.

 

L’affichage : pourquoi passer à un écran 4K/UHD ? Simplement pour profiter d’une expérience immersive et changer la vision du client final. Le D-Cinema est sans doute plus avancé, dans la mesure où environ 20 000 salles dans le monde sont déjà équipées de projecteurs compatibles 4K. En UHD, on passe aussi à des tailles d’écran plus imposantes. La NHK a déterminé que l’effet désiré était obtenu une fois le téléspectateur installé à une distance égale à 0,75 x la hauteur de l’écran. À titre d’exemple, dans les dispositions actuelles des foyers, il faudrait un écran informatique de 55 pouces et un téléviseur de salon de 150 pouces pour profiter pleinement de l’expérience 4K/UHD.

 

La connectivité : la 4K/UHD n’échappe pas aux contraintes imposées par les applications temps réel. Dans le monde professionnel, les interfaces HD-SDI à 1,485 Gbps et son évolution 3G-SDI à 2,97 Gbps ne suffisent plus à transporter les flux de données 4K/UHD. En attendant la fin de la normalisation d’interfaces allant du 6G au 72G, des Dual et Quad-links HD-SDI et 3G-SDI sont déjà à l’usage dans l’industrie. Ils sont néanmoins très contraignants : une grille à 16 entrées 3G-SDI devient limitée à 4 sources UHD. Dans le monde grand public, le tant attendu HDMI 2.0 à 18 Gbps vient à peine d’être ratifié en septembre 2013. Des travaux similaires sont aussi menés sur le DisplayPort.

 

La cadence d’image : un groupe constitué des directeurs de laboratoires de la BBC, IRT, RAI et la NHK, sous la tutelle de l’EBU/UER, a effectué des tests subjectifs sur les hautes cadences d’images ou HFR (High Frame rate) en 2013. Les cadences considérées variaient du 50 à 240 images progressives par seconde. Les résultats indiquent qu’une cadence d’image plus grande garantit davantage de fluidité et de fidélité dans le mouvement, un meilleur confort visuel et une meilleure immersion. La 4K/UHD peut utiliser ces cadences plus élevées, particulièrement pertinentes pour le sport.

 

L’échantillonnage : les dynamiques deviennent de plus en plus larges au niveau des caméras (plus de nuances de noir et de blanc, par exemple jusqu’à 14 diaphs sur la Arri Alexa). Pour les effets spéciaux, des sources plus fines en termes d’échantillons sont requises, allant jusqu’à 16-bits en 4:4:4:4 avec un canal alpha supplémentaire. En distribution, le mode d’échantillonnage 4:2:0 en 8-bits par échantillon n’est plus viable en 4K/UHD. Aujourd’hui, on parle a minima de 10-bits en 4:2:2 ; les débits et les masses de données non compressés se voient ainsi décuplés.

 

Les espaces colorimétriques : la Rec.709 de l’ITU a été et reste l’espace colorimétrique en HD, comme l’est son équivalent P3 en 2K DCI. Avec la 4K/UHD, le souhait est de préparer la future arrivée d’écrans et de projecteurs offrant potentiellement plus de détails et une palette de couleurs plus riche. C’est pour cela que les experts de l’ITU se sont accordés sur la normalisation de la Rec.2020, un espace plus large que les limites du Système Visuel Humain. Des algorithmes de conversion vers les espaces traditionnels toujours utilisés sont donc nécessaires et leur complexité représente un réel défi pour l’industrie.

 

L’optique : l’entropie d’un signal 4K/UHD dépend entre autres des caractéristiques du bloc optique. De pareilles exigences en qualité impliquent une capacité plus importante notamment en termes de correction d’aberrations, de résolution optique plus fine et de taille du bloc plus imposante. Sur un caméscope, par exemple, obtenir le même niveau de performance en 2K/HD muni d’un capteur de taille 1/4 de pouce nécessite en 4K/UHD un capteur de taille 1 pouce (quadruple de la grille 2K/HD) et ainsi un bloc optique avec un objectif de taille et de résolution adéquates.

 

Le capteur : l’entropie du signal 4K/UHD dépend également des caractéristiques du capteur de la caméra. Un compromis est nécessaire entre la taille du capteur, celle du bloc optique et la résolution de l’objectif. Ne sont pas à négliger la sensibilité du capteur et l’ensemble des traitements du signal qu’il est capable de fournir (exemples : optimisation de la conversion analogique/numérique, filtrage adapté du signal électrique sur les photo-sites, etc.). Ces éléments contribuent fortement à la performance en captation.

 

L’audio : un niveau d’immersion maximal en 4K/UHD exige des performances audio plus importantes. L’enjeu principal est de créer un espace audio 3D appelé aussi cube audio, bien au-delà des configurations actuelles telles que le 5.1 et le 7.1. Dolby a déjà proposé la technologie Atmos pour le Cinéma. Parallèlement, Barco a proposé Auro 11.1 qui implémente 3 niveaux spatiaux d’audio dans une salle de projection Cinéma. Quant à la restitution audio dans les foyers, de nouvelles technologies seront nécessaires afin de proposer des systèmes plus compacts tout en offrant l’immersion sonore chez soi.

 

En définitive, un nombre non négligeable de paramètres interviennent au sein de l’offre d’une expérience 4K/UHD. La résolution seule ne suffit pas à cerner les prérequis de ces formats. Il est nécessaire de tenir compte des impacts sur la bande passante à la fois en production, en post-production et en distribution. Un bon format de compression contribue à la réduction du débit et les moyens de connectiques doivent suivre les exigences en bande passante.

Une caméra munie d’un bon capteur avec le bloc optique adapté, une cadence d’image accordée au genre (fiction, sport, etc.), un mode d’échantillonnage suffisamment fin et un espace colorimétrique plus riche, sont la clé pour offrir au téléspectateur une immersion plus grande dans l’image. Celle-ci est optimale si elle est appuyée par une configuration 3D de l’environnement audio. D’autre part, les tailles d’écrans sont trop importantes pour les configurations actuelles des foyers moyens, alors que la 4K trouve un terrain favorable sur ce point en salle de Cinéma. Un compromis entre ces paramètres permet ainsi de mieux identifier les opportunités marché au niveau des applications en 4K/UHD (Cinéma, TV Broadcast, Digital, jeux vidéo, etc.) et de faire le choix le plus adapté aussi bien techniquement que commercialement.