Les propositions du CSA pour redéfinir la gouvernance de l’audiovisuel

Le secteur de l’audiovisuel est en ébullition. Alors que la réforme de la loi sur l’audiovisuel a été tant de fois promise et tant de fois repoussée, on sent, en cette fin d’année 2018, comme une nécessité absolue de passer à l’action. Les propositions de refonte de l’audiovisuel tentent de définir un nouveau cadre de régulation à l’ère numérique qui aura de nombreuses répercussions sur l’organisation du secteur.
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Avant même que le nouveau ministre de la Culture, Franck Riester, se soit installé rue de Valois, le CSA a publié vingt propositions pour refonder la régulation audiovisuelle, tandis que l’Arcep a fait trois propositions et que la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a publié un rapport en conclusion des travaux de la mission sur « une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique », dont la rapporteuse est Aurore Bergé.

La prochaine transposition de la directive européenne « SMA » (Services de médias audiovisuels) et la pression de plus en plus forte des Gafan sur le secteur audiovisuel imposent aux acteurs du marché de repenser l’écosystème national. Comme l’écrit le CSA dans l’introduction de son rapport : « Sous sa forme actuelle, la régulation est inadaptée à un environnement numérisé et globalisé. »

 

 

Bataille de rapports

Au pays de l’exception culturelle, force est de constater que la rapide montée en puissance des services OTT, que le déploiement de la fibre optique et de la consommation audiovisuelle multi-écrans sont en train de remettre profondément en cause, toute l’organisation du secteur, à commencer par les instances de régulation, au rang desquelles on trouve le CSA, l’Arcep, le CNC et Hadopi.

C’est pourquoi les propositions faites par les sages de la tour Mirabeau, située au pied de la Seine et du pont Mirabeau, dans le XVe arrondissement de Paris, méritent une analyse approfondie, car elles pourraient bien être une des ossatures de la prochaine réforme.

 

 

Trois idées directrices

C’est dans ce contexte que le CSA a publié début octobre vingt propositions pour repenser la régulation de l’audiovisuel. Le raisonnement du CSA s’appuie sur un certain nombre de constats qui débouchent sur trois grands axes de réforme.

 

Les idées directrices font le constat de l’évolution du monde dans lequel les industries audiovisuelles évoluent.

• Le premier constat porte sur la révolution numérique, économique et comportementale qui touche le marché audiovisuel : poussée de l’OTT, arrivée de nouveaux acteurs, comportements fragmentés des téléspectateurs.

• Le deuxième constat met en exergue la recomposition de la chaîne de valeur traditionnelle qui, de la création à la distribution, en passant pas la production et l’édition, doit désormais affronter des logiques de plateformisation.

• Le troisième constat porte sur la nécessité de maintenir une régulation sectorielle. Dans un monde audiovisuel sans frontières, le CSA considère que la régulation est le meilleur rempart pour protéger à la fois le public et les acteurs du marché.

 

 

Vingt propositions pour réformer la régulation

« Les trois piliers de la refondation », comme l’écrit le CSA, sont les trois moments forts qui expriment la vision numérique du régulateur des médias et imposent le CSA en tant que joueur central du marché numérique français. La montée en puissance des Gafan, aussi bien sur le marché de la diffusion des programmes que sur le marché publicitaire où ils ont pris le pouvoir, contribue à créer de fortes asymétries réglementaires qui mettront en difficulté les groupes médias nationaux à brève échéance.

Comme l’écrit le CSA en conclusion de ses propositions : « Révolution et transition numériques doivent pleinement trouver leur traduction dans un environnement créatif, à l’abri des distorsions et des manipulations, à la recherche constante d’une cohésion sociale et solidaire. Par une régulation refondée, s’ouvriront ainsi de nouvelles perspectives de croissance comme de nouveaux espaces de liberté. »

 

Pilier 1 (propositions de 1 à 5)

Étendre le champ de la régulation : la nouvelle directive inclut à la fois l’audiovisuel et Internet. Dans le collimateur du CSA, les plates-formes vidéo comme YouTube, Netflix et Amazon, mais aussi les réseaux sociaux. Pour avoir autorité sur ce périmètre élargi, le CSA fait cinq propositions : intégrer les nouveaux acteurs ; protéger les mineurs ; combattre les discriminations et lutter contre les discours de haine ; amplifier le soutien à la création et créer un cadre de régulation pour l’économie de la donnée.

 

Pilier 2 (propositions de 6 à 13)

Accompagner la transition numérique de l’audiovisuel : c’est le grand chantier des trois derniers quinquennats. La réforme de la loi audiovisuelle de 1986 n’a jamais vraiment eu lieu. Inadaptée au monde numérique, inefficace, vieillissante, complexe, les critiques ne manquent pas.

À travers ces propositions, le CSA cherche à renforcer son pouvoir de prescription et à se positionner pour la régulation de l’Internet. C’est la partie la plus dense puisqu’elle comporte huit propositions : moderniser la diffusion hertzienne ; affirmer la spécificité du service public ; alléger les contraintes des éditeurs de télévision ; moderniser les règles applicables aux radios ; alimenter le débat sur la publicité ; refondre le dispositif anti-concentration ; redéfinir la notion de distributeur ; rééquilibrer les relations entre éditeurs et distributeurs.

 

Pilier 3 (propositions de 14 à 20)

Promouvoir de nouvelles méthodes de régulation : c’est la partie la plus technique des propositions du CSA qui touche à la fois au cadre de la régulation et aux méthodes à appliquer dans ce nouvel environnement numérique.

Les sept propositions sont les suivantes : clarifier les rôles de la loi, du règlement et de la régulation ; privilégier le recours au droit souple ; favoriser la corégulation et la supra-régulation ; développer la régulation participative ; renforcer les dispositifs d’éducation aux médias ; renforcer les pouvoirs d’enquête du CSA ; favoriser les collaborations entre autorités de régulation.

 

 

Franck Riester à la barre

L’arrivée de Franck Riester au ministère de la Culture et de la Communication va probablement accélérer la réforme du secteur des médias, de la production à la diffusion en passant par les plates-formes. Au-delà de la rivalité qui existe entre les instances de régulation, au-delà des lobbies qui tentent d’imposer leurs revendications sectorielles, il est temps que la France définisse une nouvelle structure pour encadrer, contrôler et faciliter le développement du marché audiovisuel afin de permettre aux acteurs locaux de se redéployer dans un univers numérique ultra-concurrentiel.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #29, p.118/119. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.