“Fan Club” : La Réalité Virtuelle autrement

Fan Club réalisé par Vincent Ravalec sera le premier long-métrage VR franco-luxembourgeois. Pouvons-nous parler, d’ailleurs, de long-métrage dans le cadre d’un projet de cette nature ? Il s’agit plutôt d’une nouvelle forme d’expression immersive – long format. Fan Club devrait sortir prochainement... Rencontre avec Vincent Ravalec, son auteur-réalisateur.
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Mediakwest : Comment ce projet Fan Club est-il né ?


Vincent Ravalec :  Fan Club est une œuvre qui a eu plusieurs vies ou péripéties. Au départ, j’avais un projet de long-métrage qui n’a pas trouvé de financement et qui est devenu une bande dessinée avec la collaboration d’un dessinateur de Métal hurlant, Luc Cornillon. Une quinzaine de pages ont été dessinées, mais là aussi le projet n’a pas été jusqu’au bout car il était très ambitieux et coûteux. Au final, l’histoire a été publiée sous forme d’une nouvelle, parue au Seuil. Puis, à partir de cette nouvelle j’ai conçu un projet transmédia qui a rencontré l’intérêt du producteur luxembourgeois, a_BAHN. Je débute le projet et les coproducteurs luxembourgeois m’incitent à me renseigner sur la réalité virtuelle qui commence à décoller (nous sommes en 2015). Je suis allé voir le pilote de I Philip chez Okio ; j’ai tout de suite été fasciné et j’ai donc décidé que Fan Club  serait réalisé en réalité virtuelle.
 Fan Club  est un projet long à monter dans son écriture, dans son financement, dans son tournage. Nous sommes en ce moment à l’étape de la postproduction. Nous avons vécu avec ce projet toute l’arrivée de la réalité virtuelle en France. Je l’ai vue de mon point de vue de narrateur et de cinéaste. J’ai essayé de m’en emparer et j’ai été confronté à tous les problèmes, mais ce fut formateur.

 

M : Quel regard portez-vous sur la réalité virtuelle ?


V. R. :  Ce que j’ai compris de la réalité virtuelle c’est que, dans un premier temps, la VR était dans le sensationnel, dans l’effet waouh avec des films sur des montagnes russes. Puis, il y avait aussi, par ailleurs, des contenus plus expérientiels avec des films qui font voyager avec des migrants, développant un côté narratif qui pose le spectateur à la place des personnages, mais pouvait avoir un aspect un peu figé. Je suis parti sur un postulat différent. L’idée étant de voir comment faire un vrai film en utilisant les codes classiques du cinéma, mais d’une manière différente, en créant de nouvelles expériences, un nouveau langage. Qui soit à la fois du cinéma, car c’est là d’où je viens, mais en développant une originalité. Je voulais que Fan Club soit un long-métrage ou une série avec l’ambition d’une durée d’au moins une heure et servi par des comédiens confirmés. On y trouvera Mathieu Kassovitz, Denis Lavant, Sylvie Testud, Arthur H… C’est un format complexe, ambitieux. Nous avons tourné en octobre et je formalise tout ça dans la postproduction. Au final, ce ne sera ni une série, ni un long-métrage, mais une expérience longue. Comme le projet n’est pas fini je ne peux pas dire si ce sera réussi ou pas. Nous testons jusqu’au bout des idées. Mais je sais exactement ce que je veux faire ; nous sommes dans une expérience où le spectateur a en partie la main. Nous nous sommes posé des questions à toutes les étapes de la production, que ce soit sur le découpage, le jeu des acteurs, le montage.

Monter en VR c’est monter au-delà du montage cinématographique classique, tout en sachant qu’il est possible de monter avec des mouvements de caméra. Le seul problème c’est que la VR impacte énormément la vision des choses. S’il y a un mauvais raccord, ou qu’un mouvement n’est pas fluide, cela peut créer une gêne importante. Le corps rend et vous êtes malade.

 

M : Quel regard les acteurs ont-ils eu sur le projet ?


V. R. : Les acteurs se sont amusés comme des petits fous et le scénario s’y prête. Le pitch est une star de télé qui est invitée à passer un week-end avec ses fans. Elle a toujours refusé, mais elle est à un moment de sa carrière où les choses sont plus difficiles et, pour différentes raisons, elle se rend à ce week-end. Le film bascule et oscille entre plusieurs thèmes et plusieurs rebondissements. La réalité virtuelle du film va permettre d’entrer dans l’intensité psychologique et émotionnelle de la situation.

 

M : Quelle place la caméra a-t-elle ?


V. R. : La caméra est en point de vue omniscient, et parfois en vue subjective – je passe d’un point de vue à l’autre. La caméra VR donne un point de vue différent. J’ai cessé de penser en succession de plans, mais j’ai pensé en sphères. Une histoire ne se déroule pas de la même façon quand on pense en volume. Ce déclic est arrivé un peu avant le tournage. Durant les trois ans qu’a duré le projet, j’ai réalisé deux teasers, des films corporate, des pubs et cela a permis à l’équipe de s’entraîner.

Nous avons inventé en permanence car nous avons développé un workflow efficace, qui marche bien. Nous avions un technicien qui stitchait en direct sur le tournage. À cette équipe s’est adjointe une équipe de cinéma luxembourgeoise. Le tournage s’est fait avec la caméra Insta360 Pro. Le teaser avait été tourné en multipasse, mais c’est un cauchemar en termes de production avec de nombreuses contraintes, notamment sur le déplacement des acteurs, raccord de lumière. Nous avons testé la Nokia Ozo, sur des tournages de films corporates, mais c’était trop cher pour notre projet qui comportait beaucoup de journées de tournage.

 

M : Comment s’est montée la production et quelle sera l’exploitation ?


V. R. : Nous avons un budget de 1,1 million d’euros ; il s’agit d’une coproduction franco-luxembourgeoise, Les Films du Garage, et la société luxembourgeoise, a_BAHN, sans laquelle nous n’aurions pas pu monter le projet. C’est un budget important pour un film expérimental et ambitieux comme celui-ci. Nous sommes associés avec MK2 pour la distribution. Le projet a eu le soutien du CNC et du Film Fund Luxembourg.

Il y a deux tendances pour l’exploitation des contenus VR. Pour de la production de film de commandes cela marche très bien, car c’est ciblé. Nous organisons l’événement de A à Z. Les commanditaires sont dans un contexte événementiel. Pour le reste, le grand public n’est pas équipé en casque, c’est lourd et compliqué. Notre film est premium et il sera diffusé dans des endroits précis, pour des festivals, des événements. Nous souhaitons avoir une diffusion haut de gamme, forte. Pour le moment, nous finalisons la postproduction, mais cela prend du temps car il y a un mélange de prises de vue réelle et d’images de synthèse. Le son sera spatialisé avec une bande originale de Coil et d’un compositeur luxembourgeois.

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #26, p. 56-57Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.