Les marchés vidéo sous le signe de la SVOD

2017 inaugure une nouvelle ère pour les principaux marchés vidéo. Que ce soit aux États-Unis ou au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France, la SVOD tisse sa toile et assoit son emprise sur le marché vidéo, qui continue de voir fondre les ventes de DVD.*
BandeauMultiscreen.jpg

 

ÉTATS-UNIS : LE MARCHÉ DIGITAL S’IMPOSE DÉFINITIVEMENT

Plus de 10 milliards de dollars de recettes pour la VOD et la SVOD

L’année 2016 affiche une hausse de 1,36 % de son chiffre d’affaires, à 18,27 milliards de dollars. Désormais, ce sont les ventes digitales qui tirent le marché vidéo américain. Leurs performances sont étonnantes : 10,3 milliards de recettes, en hausse de 15,2 % par rapport à 2015, soit 1,36 milliard de plus qu’en 2015. Le poids des ventes dématérialisées est de 56,4 % à fin 2016.

Le marché américain a réussi sa mue digitale, mais il reste encore très dépendant des ventes physiques qui ont perdu 1,11 milliard de dollars en un an. Les ventes physiques reculent de 9,55 % et la location de 17,8 %. Alors que le marché physique pesait 14 milliards de dollars en 2011, il en pèse à peine 8 milliards fin 2016. Certes, grâce au digital, le marché repart à la hausse, et fait oublier les années 2011 à 2015. La bonne santé du box-office américain (près de 12 milliards de recettes en 2016) pousse d’ailleurs à l’optimisme pour le marché vidéo : 2017 pourrait revenir au niveau de 2010 et frôler les 19 milliards de chiffre d’affaires.

Après le DVD et le Blu-ray, vive la 4K

Avec un repli de 3,6 milliards de dollars depuis 2011, le marché du DVD et du Blu-ray perd 9,55 % en 2016 après s’être replié de 12,47 % en 2015. La courbe ne s’inversera plus ; la seule question est de savoir à quel rythme elle va continuer de descendre.

Les studios misent une nouvelle fois sur un nouveau format pour endiguer le recul des ventes. Avec 110 programmes 4K Ultra HD actuellement disponibles chez les revendeurs et une prévision de 250 titres planifiés sur 2017, la 4K fait déjà office de nouvel eldorado pour les éditeurs vidéo.

Pour que les Américains achètent des films en 4K, il faut que les équipements soient dans les foyers. Selon le CTA, plus de 10 millions de TV 4K ont été vendues, représentant un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars, avec une perspective à plus de 30 millions d’écrans en fin d’année ; à fin 2016 le parc de TV 4K/UHD est de 12 millions d’écrans. Dans le même temps, plus de 300 000 lecteurs UHD se sont vendus pour 66 millions de dollars de recettes. Selon le DEG, les consommateurs ont adopté ce nouveau format avec enthousiasme et très rapidement.

La SVOD, le nouvel eldorado de la vidéo

Avec un chiffre d’affaires de 6,2 milliards de dollars, la SVOD dépasse les prévisions de mi-année qui tablaient sur 6 milliards, mais surtout affiche une croissance très solide de plus de 22 % en un an. 60 % des ventes à la demande sont des abonnements SVOD. La bataille entre Netflix, Amazon et Hulu s’intensifie et devrait logiquement encore faire grimper les abonnements SVOD en 2017, car jusqu’à maintenant, le DEG ne tenait pas compte des ventes en bundle, comme Amazon Prime Video.

L’EST et la VOD finissent l’année quasiment à égalité à 2 milliards de recettes, en croissance d’un peu plus de 5 %. Le dernier trimestre a été décevant pour l’EST qui a fait du sur-place par rapport à 2015 en ne gagnant que 0,26 %. Une performance à surveiller car les Américains comptaient largement sur l’EST pour compenser les baisses de vente des DVD : une fausse alerte pour les professionnels puisque les ventes de films en EST sont restées très dynamiques, en hausse de 17 % d’une année sur l’autre.

La fin d’une époque

La courbe est éloquente : plus jamais le marché physique ne croisera le marché dématérialisé. Alors que chaque dernier trimestre de l’année offrait au DVD et au Blu-ray un baroud d’honneur, cette année les galettes n’ont pas réussi à doubler les ventes dématérialisées. Le marché américain mise maintenant sur la SVOD, l’EST et la VOD pour poursuivre sa croissance.

 

ALLEMAGNE : AMAZON ET NETFLIX, MOTEURS DU MARCHÉ VIDÉO

L’Allemagne, deuxième marché vidéo européen

Elles sont loin les années où le marché français et le marché allemand étaient de taille quasiment équivalente. Même en baisse, le marché allemand a atteint 1,77 milliard d’euros de recettes en 2016, contre 1,83 en 2015, soit une baisse de l’ordre de 3 %. Dans le même temps, le marché français continue de s’enfoncer à 940 millions d’euros.

Les trois grandes activités qui composent le marché vidéo allemand ont connu des fortunes diverses l’an dernier : la SVOD continue son développement à 326 millions d’euros de chiffre d’affaires (+ 43 %), le marché locatif recule de 14,2 % à 222 millions d’euros et le marché de la vente réalise 1,22 milliard d’euros de recettes, en baisse de 9,2 %. Même s’il est attaqué, le marché physique représente encore 69 % des ventes totales du marché allemand.

Panne sèche pour le Blu-ray

Après 9 ans de croissance continue, le marché du Blu-ray affiche un repli de 7,8 % en 2016, pour un chiffre d’affaires de 433 millions d’euros. De son côté, le DVD fait encore moins bien en perdant 15,8 % de ses recettes en 2016 à 794 millions d’euros.

La VOD transactionnelle continue de se développer en passant le cap des 200 millions d’euros, en hausse de 12,8 % par rapport à 2016. Bien qu’en petite forme, le DVD pèse encore près de 45 % des ventes à lui seul.

7,6 millions d’abonnés à la SVOD

La présence d’Amazon et de Netflix sur le marché expliquent en partie le succès de ce mode d’exploitation qui a dépassé 100 millions d’euros de chiffre d’affaires au quatrième trimestre 2016. En deux ans, la progression de la SVOD est de 113 %. La disparition de l’offre du français Vivendi, Watchever, n’aura finalement eu aucune conséquence sur la bonne santé de la VOD par abonnement. Alors qu’en France, GFK estime qu’il y a 2,2 millions de personnes abonnées à une offre de SVOD, elles sont plus de trois fois plus nombreuses en Allemagne où GFK estime qu’il y a 7,6 millions d’abonnés aux services de SVOD.

En 2017 la SVOD assure la stabilité du marché

GFK prévoit que 2017 sera une année de stabilité avec un volume d’affaires de l’ordre de 1,79 milliard d’euros. La redistribution des forces se poursuivra avec le repli des activités physiques qui atteindront 1,12 milliard d’euros (62,6 % du marché total), et en repli de 10 % alors que les ventes numériques atteindront 669 millions d’euros, en hausse de 22,7 %. La SVOD devrait afficher 29,4 % de croissance et, par la même occasion, devenir le deuxième segment vidéo en Allemagne.

 

ROYAUME-UNI : UN MARCHÉ VIDÉO EN PLEINE FORME

Les Anglais dominent le marché européen

Le marché vidéo britannique affiche une hausse de 2,2 % en 2016 pour un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros (2,2 milliards de livres). À titre de comparaison, le marché français devrait terminer 2016 un peu au dessus du milliard d’euros de recettes. C’est dire le gouffre qui sépare les deux marchés.

Plongeon du marché DVD

Comme partout dans les pays où le DVD était le pilier du marché vidéo physique, le marché anglais affiche un net repli en 2016, puisque les ventes physiques reculent de 16,9 % à 1 milliard d’euros. Dans le même temps, le marché de la location s’éteint progressivement avec des recettes qui diminuent fortement à 57,5 millions d’euros, en repli de 21,1 %. C’est la première fois depuis 1994 que le marché physique passe sous la barre symbolique du milliard de livres de chiffre d’affaires (893,6 millions de livres).

Le digital anglais plus fort qu’aux États-Unis

De son côté, le marché dématérialisé confirme les estimations du début de l’année 2016 : la VOD, l’EST et la SVOD ont poursuivi leur croissance, permettant aux ventes digitales de dépasser 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, mais surtout de représenter 58 % des ventes du marché vidéo.

Pour les professionnels du secteur, c’est une belle satisfaction, puisque les ventes digitales compensent les pertes subies sur le Blu-ray et le DVD. C’est la première année que cela se produit, mais cette situation démontre, dans les faits, que le marché anglais de la vidéo a définitivement réussi sa mue. Le marché digital anglais a même une part de marché supérieure à celle du digital américain.

Les Anglais sont confrontés au même problème que les Allemands et les Français : les plates-formes qui tirent les ventes dématérialisées ne sont pas d’origine britannique : Amazon, Netflix, Apple et Sky sont américaines. Cependant, cela n’empêche pas le secteur de contribuer positivement à l’économie britannique qui, elle, ne s’appuie pas sur une exception culturelle, ni sur un système de financement comparable à celui du marché français.

 

FRANCE : L’ESPOIR DE LA SVOD

Le replay, incontournable et incontrôlable

Le replay occupe une place de plus en plus importante dans la vie des téléspectateurs : en 2016, ce sont 4,6 millions de téléspectateurs qui ont regardé un programme en replay selon Médiamétrie. Soit plus de 7 milliards de vidéos gratuites visionnées principalement sur un téléviseur, mais aussi sur un smartphone ou une tablette.

Le replay offre un double avantage théorique pour les chaînes de télévision : il augmente l’audience différée à un moment où les chaînes historiques voient leur suprématie menacée et il augmente l’inventaire publicitaire sur Internet dans l’espoir de booster les recettes publicitaires des chaînes. Dans les faits, le replay fait planer quatre dangers pour les chaînes : il accélère le déclin de la consommation live, il renforce la fragmentation des audiences, il se pose en concurrent direct de la VOD à l’acte, enfin il pourrait ne pas être le prochain eldorado publicitaire souhaité par les chaînes.

Du succès de la salle au rayon vidéo, l’évaporation du public

Alors que le cinéma a réalisé une nouvelle année historique à plus de 213 millions d’entrées, les 25,5 millions de cinéphiles ne se transforment qu’en 11,1 millions d’acheteurs de vidéos, le dynamisme de la salle n’a que peu d’effet sur celui du marché de la vidéo. Le marché total 2016, incluant le marché physique et dématérialisé, affiche un repli de 7 % par rapport à 2015, pour s’établir à 940 millions d’euros. Le marché du DVD et du Blu-ray recule de 14 % à 596 millions d’euros, alors que le marché de la VOD et de la SVOD augmente de 9 % à 344 millions d’euros.

L’ultra HD en renfort

Le marché physique représente encore la majeure partie des ventes (63 %), alors qu’aux États-Unis c’est le marché digital qui réalise maintenant la majeure partie des recettes (56,4 %). Les chiffres publiés par le CNC pour 2016 indiquent que les deux supports ont perdu du terrain : – 16,8 % pour le DVD à 446,8 millions d’euros et 148,82 millions d’euros pour le Blu-ray, en repli de 12,7 %. À l’heure où les premiers Blu-ray UHD arrivent sur le marché de la vidéo, le bon vieux DVD réalise la majeure partie des ventes, avec 75 % des recettes et 84 % des volumes.

GFK apporte un éclairage supplémentaire en révélant les ventes du Blu-ray ultra HD qui a réalisé 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires pour 64 000 unités vendues à un prix moyen de 28 euros. Le marché du Blu-ray ne comporte que 65 références pour le moment, mais il peut s’appuyer sur des équipements 4K plus nombreux que lorsque le Blu-ray a été lancé : 1,6 million de téléviseurs et 7 500 lecteurs Ultra HD. Il y a néanmoins très peu de chances que le Blu-ray UHD inverse la tendance du marché physique.

 

30 petits millions de plus pour le marché digital

GFK avait bien anticipé le marché de la VOD et de la SVOD pour 2016. Ses prévisions tablaient pour un marché 2016 sous la barre des 350 millions d’euros. Et c’est bien le cas, puisque le marché dématérialisé termine l’année à 344 millions d’euros, en hausse de 9 % par rapport à 2015, soit 30 millions de plus que l’an dernier. À ce rythme, le cap symbolique des 500 millions d’euros semble bien lointain. Malgré la présence d’offres VOD chez tous les FAI, malgré le succès des plates-formes de SVOD, le marché dématérialisé n’explose pas en France. Les trois segments qui composent le marché digital ont connu des fortunes diverses en 2016.

Le marché de la VOD transactionnelle locative à l’acte a vu ses recettes reculer de 3 % en 2016 à 167 millions d’euros. C’est pourtant celui qui comporte le plus grand nombre d’acteurs et qui bénéficie d’une chronologie favorable, même si une fenêtre premium est de plus en plus souvent réservée en exclusivité à l’EST (téléchargement définitif). GFK met en exergue plusieurs raisons pour expliquer le repli du marché locatif à l’acte : une moindre performance du marché adulte qui a perdu 3,4 millions d’euros l’an dernier alors que le marché hors adulte n’a perdu que 1,3 million d’euros ; un Top 10 moins performant en 2016 et une saisonnalité des ventes très irrégulière, en partie sauvée par les bonnes performances de la Fête de la VOD en octobre 2016.

Le marché de l’achat définitif est valorisé à 68 millions d’euros pour l’année 2016, en hausse de 15 %. Les principales plates-formes ont emboîté le pas à iTunes et offrent maintenant des solutions de téléchargement définitif sur leurs plates-formes, un mode d’achat facilité depuis la généralisation du stockage des programmes dans le Cloud. Les opérateurs de Box proposent aussi des solutions d’achat définitif à l’instar de SFR, videofutur ou d’Orange. Même si elles n’ont toujours pas abouti, les discussions sur la chronologie des médias pourraient favoriser encore un peu plus l’EST en sacralisant une fenêtre exclusive dès le premier jour du quatrième mois, voire plus tôt. Pour les éditeurs, l’intérêt de l’EST réside dans son prix de vente qui s’approche de celui du DVD (13,99 euros pour une nouveauté).

Le marché de la SVOD franchit le cap des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la première fois de son histoire (109 millions d’euros), effectuant une progression de 36 % en une année. Même s’il est encore difficile d’avoir une vision précise de la taille du marché de la SVOD, compte tenu du manque de communication de la part des plates-formes, il est évident que ce mode de consommation a pris de l’ampleur tout au long de l’année 2016.

GFK estime qu’il y a 2,2 millions d’abonnés à un service de SVOD à fin 2016, un chiffre à comparer à celui de Médiamétrie qui estime que 15 % des internautes pratiquent la SVOD, soit plus de 7 millions d’individus. Alors que la SVOD fêtera ses 10 ans en 2017, on suivra avec attention l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché : le repositionnement OTT de SFRPlay, la montée en puissance de Amazon Premium Video, les premiers pas 100 % mobile de Studio + mais aussi de BlackPills, dont le lancement est imminent, sans oublier l’offre SVOD de France Télévisions qui sera lancée au troisième trimestre 2017.

À fin 2016, les 2,2 millions d’abonnés se ventilent entre les deux leaders : Netflix (1,4 million d’abonnés selon les sources de DHR), Canalplay (environ 600 000 abonnés). Restent 200 000 abonnés qui se répartissent entre les autres plates-formes du marché : FilmoTV, GulliMax, TFOUMax, Afrostream, Ina, Videofutur.

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #21, p.94-95. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.