L’eSport à la TV, des programmes pour « couche-tard » !

En attendant que le baromètre promis existe enfin (lire notre article publié hier  L’eSport aimerait bien enfin avoir son existence légale ), nous nous intéressons ici à son poids actuel et à la charte de bonne conduite que d’aucuns tentent d’instaurer.*
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Selon une étude d’audience de l’eSport et du comportement des « eSport followers » réalisée en mars 2017, par Sport Expert, pour le compte de la Team LDLC et de Lagardère Sports, sur un échantillon de 3 000 internautes entre 12 et 49 ans, 6 % se considèrent comme des joueurs ou des « suiveurs » de jeux vidéo en compétition, leur plate-forme préférée étant Twitch.

Selon cette étude, on compte 1,7 million d’eSport followers, avec 1 million de spectateurs et 700 000 joueurs et spectateurs. Parmi les amateurs de jeux vidéo, elle considère que 42 % ont un intérêt pour l’eSport, soit un marché potentiel de 11 millions de personnes. Quelque 50 % des amateurs d’eSport ont moins de 25 ans, et un tiers entre 25 et 34 ans. Plus d’un quart sont des femmes.

 

Comment les amateurs consomment-ils ce loisir ? Si l’on se penche sur une étude réalisée par l’Institut Nielsen en 2017 sur les marchés américain, anglais, français et allemand, sept fans d’eSport sur dix sont des hommes, mais les femmes amatrices d’eSport regardent de l’eSport en streaming au moins une fois par semaine.

Cette étude Nielsen prend comme axe la comparaison entre sports « traditionnels » et sports électroniques. En France, 21 % des amateurs d’eSport interrogés aiment assister à une compétition d’eSport en Live, un résultat comparable au taux pour un événement sportif « traditionnel » (24 %).

 

Aux USA et en Allemagne, ce taux est très différent : 16 % aspirent à assister à une compétition d’eSport, contre 37 % à une compétition de sport traditionnel (USA) et 32 % (Allemagne).

 

Donnée importante pour les chaînes de télévision qui proposent, à des heures tardives, des émissions telles que le Canal eSport Club (réalisé en partenariat avec ESL, Turtle Entertainment, organisateur de l’ESWC), animé par Olivier Morin, accompagné par Frédéric Moulin, ou le désormais programme unique sur beIN Sports produit par Webedia, consacré à l’eSport, présenté par le duo Tweekz et DominGo : 33 % des followers d’eSport ont envie de regarder des compétitions à la télévision, selon Nielsen, en Live ou en VOD. Un résultat étonnant quand on s’intéresse aux résultats extrêmement faibles de la nouvelle émission lancée par C8, l’Esports European League, produite par H2O, présentée par Capucine Anav, sur la compétition de CS:GO, une première à la télévision française.

Lors de l’émission du 15 octobre, seulement 31 000 personnes, soit 0,8 % de l’audience, l’avaient regardée selon Médiamétrie. Sa meilleure audience a été atteinte lors de la première émission, le 26 septembre, avec 41 000 téléspectateurs, soit 1,4 % de l’audience. Une deuxième saison a d’ores et déjà été annoncée par Canal+. Une chaîne de télévision nommée ES1 (accessible en IPTV et via satellite) soutiendrait un projet porté par Webedia, qui attendrait un accord du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour être lancé.

 

La question n’est pas nouvelle, mais les amateurs d’eSport vont-ils reporter leurs quatre heures de visionnage sur les Twitch, ESL Play et autres web TV comme LeStream, Ekypsia… vers les médias traditionnels ? Dans tous les cas, le groupe TF1 reste fidèle à sa politique de diffusion via MyTF1Xtra. Canal+. Et sa plate-forme pour Millennials se diversifie en créant la web-série documentaire The Fan, une balade à Séoul (Corée du Sud) dans le berceau de ces compétitions électroniques professionnelles.

Si des marques comme Orange, qui a acquis depuis quelques années une vraie légitimité dans l’eSport (comme fournisseur de la fibre), sont rejointes par des groupes comme EDF, fournisseur de « l’électricité essentielle dans la pratique des jeux vidéo », l’attrait de l’eSport est toujours très puissant. Orange poursuit avec prudence son partenariat en soutenant notamment la eLigue 1 (Fifa), le secteur étant encore en pleine structuration.

D’autres marques à l’instar du groupe des casinos Barrière organisent des soirées événementielles autour de jeux indépendants mobiles, animées par des YouTubeurs célèbres pour rajeunir leur clientèle.

 

Tricher n’est pas « ejouer »

Esports Integrity Coalition (EIC, le comité d’intégrité mondial) créé en 2016 par l’avocat britannique est une association à but non lucratif traitant notamment des problèmes de tricherie et de fraudes concernant l’eSport. Elle réunit de nombreuses organisations de l’eSport, dont ESL.

Après une consultation réalisée auprès des acteurs du secteur, elle a publié en septembre dernier un barème des punitions. La tricherie entraîne la disqualification du tournoi, l’annulation du résultat, la confiscation du cash prize et un bannissement allant de deux ans à définitif selon l’âge, le niveau du joueur, la nature/importance du tournoi et la façon dont le joueur a triché.

 

Le fait de tricher en Lan devrait normalement entraîner une interdiction de cinq ans, mais, dans des circonstances aggravantes, celle-ci peut s’étendre à un bannissement à vie. Un match arrangé sera annulé et entraînera soit un bannissement de cinq ans, soit, en présence de circonstances aggravantes, un bannissement plus long, la confiscation du cashprize et une amende.

Si la découverte a lieu avant la fin du tournoi, l’équipe sera disqualifiée. En cas de dopage, les résultats sont annulés, le joueur est banni d’un à deux ans, le cashprize confisqué. Une compétition arrangée verra résultats annulés, bannissement d’un à deux ans, confiscation des gains et amende, assortie de disqualification si le pot-aux-roses est découvert avant.

 

Pour l’instant, cette charte de bonne conduite n’est pas appliquée par tous. « Certains comme Valve demeurent inflexibles concernant les sanctions qu’ils établissent et modifient à leur guise “à la tête du client”, et sanctionnent comme bon leur semble en ne réintégrant pas les joueurs punis, sans recours envisageable », indique sur son blog Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris.

Certains joueurs ont donc décidé de porter une affaire en justice. « Il est donc plus que temps qu’une instance légitime puisse être mise en place, à l’instar du TAS (Tribunal arbitral du sport) pour connaître de ces litiges et permettre aux parties intéressées de débattre contradictoirement et juridiquement des sanctions proposées, sans risque d’arbitraire comme encore aujourd’hui.

« Cela passe, bien sûr, par la nécessaire organisation de cette activité avec une véritable fédération, à l’instar de ce qui se passe en Corée du Sud avec la Korea e-Sports Association (KeSPA) qui dispose d’un comité des sanctions », ajoute l’avocat sur son blog.

 

* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Mediakwest #24, p. 98-100Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.

33 % des followers d’eSport ont envie de regarder des compétitions à la télévision, selon Nielsen, en Live ou en VOD. © ESWC / Elliot Le Corre