Le Graphisme TV avec Luxiris…

Depuis 20 ans, la société de prestation de service audiovisuel haut de gamme Aski-da, créée par Nicolas Gautron, a grandi pour devenir le groupe Aski-da Taldea. Les cœurs de métiers originels d’Aski-da sont l’assistance technique aux utilisateurs et la maintenance des systèmes de production. L’offre du groupe, destinée essentiellement aux chaînes de télévisions, s’est étoffée avec l’acquisition de son partenaire historique, le célèbre centre Lapins Bleus Formation, qui œuvre depuis 15 ans auprès des professionnels de l’audiovisuel et la création. Puis, il y a 6 ans, il a acquis Woody Technologies, qui développe des logiciels dédiés au traitement des médias. Luxiris est le petit dernier du groupe. Son objectif : proposer une offre de service dédiée au graphisme au sens large, avec toujours la même rigueur, depuis l’habillage antenne et les synthés jusqu’à la réalité virtuelle et augmentée.
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Loïc Le Roux est en charge du développement de cette nouvelle structure. En pleine formation avec ses équipes, il nous a accueillis au sein du Cargo, le bâtiment qui accueille l’ensemble des sociétés du groupe.

 

Mediakwest : Peux-tu nous présenter Luxiris en quelques mots ?

Loïc Le Roux : Notre offre va du conseil avec des prestations de chefs de projets jusqu’à l’intégration graphique et l’aide à l’exploitation, en passant par la formation en partenariat avec Lapins Bleus Formation. Nous aidons les cellules graphiques à appréhender les récents bouleversements et les importants changements techniques. Le marché du graphisme TV vit actuellement une évolution liée à l’immixion des technologies du jeu vidéo, à la pointe pour la qualité des rendus temps réel. Le point de départ de Luxiris, c’est la constatation d’un besoin d’accompagnement pour le marché des télévisions qui n’étaient pas forcément équipées en interne sur ces compétences-là.

 

M. : Pourquoi créer une entité séparée ? Ne risquez-vous pas d’empiéter sur les prestations auxquelles pouvait déjà répondre Aski-da ?

L. L. R. : Avec Luxiris nous répondons à une demande très spécifique de la chaîne de production des télévisions. Les équipes de news sont les premières concernées, avec une activité majoritairement live. Grâce à cette entité dédiée, nous complétons l’offre d’Aski-da centrée sur le service, le support et la gestion de projets. Luxiris ne se positionne pas sur le domaine des agences de création, mais dans la chaîne de mise à l’antenne des éléments graphiques. Nous intervenons sur la transformation de la volonté artistique pour l’intégrer aux outils techniques.

 

M. : Travaillez-vous en partenariat avec les agences de création ?

L. L. R. : Pas forcément. Généralement une agence de création est missionnée par la chaîne pour réaliser un ensemble d’éléments graphiques. Nous intervenons ensuite lors de l’intégration graphique au sein des solutions techniques, ainsi que pour la mise en place des process et des workflows, auxquels suivront des phases d’installation et d’exploitation. Le cœur de notre métier est la réponse à toutes les problématiques liant graphisme et technique, en restant fidèles aux choix artistiques et éditoriaux.

 

M. : Qui est à l’origine de Luxiris ?

L. L. R. : Nicolas Gautron a été le premier à évoquer cette idée, née du besoin de certains clients qui étaient curieux de la réponse que pouvait leur apporter Aski-da. Le besoin principal est véritablement lié à l’arrivée du moteur de jeu vidéo Unreal Engine dans l’audiovisuel. Les possibilités de création graphique 3D temps réel existent déjà, des moteurs étant proposés depuis 10 ou 15 ans par les acteurs historiques du marché ; mais ces solutions sont basées sur des systèmes propriétaires que peu de gens savent exploiter.

Depuis 2 ou 3 ans, de nouveaux intervenants sont arrivés autour de la technologie Unreal, disponible gratuitement. Epic Games, l’entreprise à la base d’Unreal, a connu un très beau succès avec le jeu Fortnite. Grâce à leur conséquent trésor de guerre, ils ont pu développer le moteur Unreal Engine et le rendre disponible. Epic Games gère toujours le moteur et valide les apports de la communauté. Leur modèle économique est celui du jeu vidéo, l’utilisation du moteur est gratuit en dessous d’un certain chiffre d’affaires, une redevance étant reversée à Epic Games à partir de ce seuil. Avec ce modèle, l’utilisation du moteur est gratuite pour les domaines du cinéma et de la télévision ; il suffit alors de l’implémenter sur un « bon ordinateur » avec les cartes vidéo adéquates.

Côté humain, il faut une bonne dose de talent et faire travailler les gens issus de l’univers informatique pour la télévision. Il faut également intégrer la solution dans les systèmes de pilotage existants. Les nouveaux éditeurs qui bouleversent le marché associent une surcouche au moteur Unreal Engine pour gérer la partie télé. On peut citer l’entreprise turque Zero Density qui a commencé en proposant essentiellement la création de décors virtuels. Les grands éditeurs ont développé des outils autour de cette technologie. Pendant un an et demi, Avid a réalisé le portage du moteur Unreal Engine sur sa solution via une plate-forme Linux ; depuis un an, la solution est proposée en production.

 

M. : Peux-tu nous donner quelques exemples de produits commercialisés ?

L. L. R. : Maestro Virtual Set est le nom commercial de l’offre actuelle d’Avid, France Télévision a été pionnier dans ce domaine et l’utilise depuis un an pour son journal télévisé. Plusieurs chaînes sont en phase de test pour qualifier les apports des technologies basées sur ce moteur de rendu. La chaîne Weather Channel, qui propose notamment des programmes expliquant le fonctionnement de phénomènes météorologiques, exploite la solution Frontier du fabricant Ross Video qui intègre le moteur Unreal Engine dans un environnement vidéo. Plusieurs acteurs ont entrepris le portage de cette solution, que ce soit de nouveaux entrants ou des sociétés déjà connues.

 

M. : Les entreprises historiques ont-elles souffert dans « la bataille » ?

L. L. R. : Les acteurs existants mettent en avant leur importante connaissance des solutions technologiques liées à l’habillage antenne : leurs contrôleurs sont déjà connus des professionnels de la télévision qui bénéficient ainsi des apports du moteur Unreal Engine sans changer leurs habitudes – c’est la promesse d’éditeurs tels qu’Avid par rapport aux nouveaux entrants dont Zero Density qui impose le déploiement de systèmes nouveaux (base PC – spécificités fournies pour les configurations machines et les cartes graphiques et vidéo).

 

M. : Loïc, peux-tu nous préciser tes fonctions au sein de Luxiris et ton parcours ?

L. L. R. : Je m’occupe du développement de Luxiris qui bénéficie de l’expérience structurelle, organisationnelle et administrative du groupe Aski-da Taldea. J’ai commencé à l’exploitation des systèmes de diffusion. Pendant une dizaine d’années, j’étais réalisateur de direct pour Public Sénat avant de rejoindre France 24 où je me suis intéressé de près à la partie graphisme ; je suis devenu référent graphique officiel quand j’ai intégré l’entreprise, environ trois ans après le lancement. En tant que coordinateur graphique, j’étais à la frontière entre la technique et l’artistique et je supervisais l’intégration. En fin de carrière à France 24, j’étais ingénieur chef de projet, avant de rejoindre Aski-da, où j’ai pris en charge une mission, chez NextRadioTV pour le compte de Red Bee, sur les systèmes graphiques dans le cadre de leur déménagement.

 

M. : Tu prends donc la tête de l’opérationnel, y a-t-il d’autres personnes dédiées à Luxiris ?

L. L. R. : Nous avons commencé avec un graphiste en interne, deux personnes nous rejoignent très prochainement. De fortes synergies sont mises en place avec les équipes d’Aski-da.

 

M. : La formation est-elle une partie importante de votre offre ?

L. L. R. : Il y a un manque dans ce domaine, même sur les outils traditionnels dédiés à l’habillage graphique. Lorsqu’elles existent, les formations sont souvent dispensées par le distributeur ; elles ne sont pas forcément certifiantes. Avid nous a demandé de les épauler sur leurs formations. Nous prenons également un soin particulier à la formation de nos équipes pour offrir les meilleures prestations.

Les formations étant proposées en partenariat avec Lapins Bleus Formation, nous bénéficions de leur qualité reconnue dans le « sur-mesure » nécessaire à la formation des profils hybrides (informatique, TV, technique, organisation), des profils qui vont être recrutés ou déployés sur les projets Unreal au sein des chaînes.

Plus simples à appréhender par les clients, nous allons proposer dans un premier temps des formations « produits », mais ces derniers étant intégrés dans un environnement de production, il sera bien entendu au cœur de nos formations. Les graphistes au sein des chaînes ne connaissent pas ces nouvelles technologies et les spécialistes Unreal ne maîtrisent pas l’univers de la télévision. C’était le cas de Mathieu, notre premier graphiste à qui nous avons apporté la connaissance « télé », alors que lui nous permettait de monter en compétence sur Unreal.

 

M. : Est-ce que la technologie Unreal change vraiment tout ?

L. L. R. : De très belles choses sont possibles avec d’anciennes technologies et de grands échecs peuvent naître des nouvelles solutions : l’outil seul n’est pas un gage de réussite. Par contre, les utilisateurs d’Unreal constituent une communauté extrêmement importante là où les connaisseurs des solutions propriétaires restent peu nombreux. Une quinzaine de personnes maîtrisent les outils Vizrt sur Paris. De nombreux tutoriels sont également disponibles sur Internet. Des bibliothèques proposent l’accès à des éléments « pré-faits » pour des prix très abordables par rapport au marché du broadcast : des assets (éléments ou environnements 3D) coûtant entre 50 et 100 euros.

La simulation physique qui n’était pas développée sur les solutions TV habituelles est un atout venu du « jeu vidéo » : des animations chronophages telles que le rebond d’un objet sur le sol sont automatiques. La création d’environnement est facilitée, avec un gain de temps conséquent apprécié des chaînes. Pour moi la qualité de l’image finale reste intimement liée aux graphistes ; le gain de ces nouvelles solutions se situe essentiellement dans le temps de développement et la très grande souplesse d’utilisation.

 

M. : Peux-tu nous évoquer les travaux en cours ?

L. L. R. : Nous travaillons sur deux projets pour lesquels nous tairons le nom des clients, nous les aidons à caractériser l’apport de ces outils, et plutôt que de « visiter l’appartement témoin », d’observer la très belle démonstration du constructeur, c’est en intégrant leur habillage existant que nous leur démontrons l’intérêt des nouvelles fonctionnalités. Nous avons travaillé en collaboration avec Avid sur leur démo « réalité virtuelle » au NAB ; c’était « en flux tendu », ils étaient encore en phase de finalisation de la dernière version de Maestro Virtual Set.

Notre travail est visible sur le clip de présentation de la page dédiée à cet outil sur le site d’Avid : une jeune femme fait des présentations dans le décor que nous avons adapté. Ce sont des projets stratégiques pour nos clients, nous avons de nombreux projets en cours que nous devons garder secrets.

 

M. : Quels sont vos atouts ?

L. L. R. : Nous proposons une approche globale de la chaîne de production, certains concurrents vont proposer l’intégration graphique et éventuellement la gestion des datas, mais pas forcément la gestion complète du projet.

 

M. : Visez-vous d’autres marchés que la télévision ?

L. L. R. : Les télévisions représentent le marché que nous connaissons le mieux. Nous savons que des besoins existent dans le domaine de la fiction, notamment pour la prévisualisation. Je pense que nous apprécions ce marché par le biais de la fiction produite pour la télévision.  

 

Merci Loïc de nous avoir présenté cette activité, je te propose de nous revoir dans quelques mois pour que tu nous présentes la concrétisation de certains projets !

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #33, p.26/28. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.