Images d’archives, un avenir prometteur

Les images d’archives sont largement utilisées en reportages, en documentaires, et même au cinéma. La conservation d’un patrimoine audiovisuel est un enjeu majeur. De nombreuses sociétés se consacrent, tout ou partie, à ce secteur qui, loin de sentir la poussière, est en permanente évolution.*
1_SPA1V6-2_OK.jpg

 

Depuis que le cinéma existe, la nécessité de conserver, d’archiver et de ré-utiliser des images s’est toujours fait ressentir. Le besoin s’est d’ailleurs considérablement accru depuis l’avènement de l’ère numérique et la culture de l’image qui l’accompagne. Si les techniques de restauration et de traitement ont nettement évolué ces derniers temps, le numérique et l’accès à l’Internet, très haut débit en particulier, ont véritablement révolutionné l’accès et la commercialisation des images du passé.

 

ECPAD, les images des conflits

L’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) est créé en 1915, en pleine guerre mondiale. L’institution emploie aujourd’hui 180 civils et 90 militaires. L’ECPAD poursuit son travail de production d’images sur les théâtres d’opération actuels. C’est d’ailleurs le plus souvent par l’intermédiaire de ses équipes que les différentes rédactions télévisées ont accès aux images de guerre dans les pays où la France est engagée.

L’ensemble de ces séquences, qui deviendra d’ailleurs les images de stock de demain, est largement indexé par les opérateurs de prises de vues eux-mêmes. Ces images sont ensuite archivées par les services spécifiques sur des supports Professional Disc PFD de Sony. L’ECPAD conserve et met à disposition plus de dix millions de photos et de plus de 30 000 films de toutes les époques.

Christophe Jacquot, directeur de l’ECPAD, nous expliquait à l’occasion du dernier Sunny Side : « Nous disposons d’un important stock d’images d’archives en tout genre. Notre mission est aussi de valoriser le patrimoine audiovisuel de la défense. En ce centenaire de la guerre 14-18, nous venons de participer à la production de nombreux films documentaires réalisés sur cette thématique. » La série « Apocalypse », diffusée sur France Télévisions, a d’ailleurs largement puisé dans les stocks de l’ECPAD, que ce soit pour la première ou la seconde guerre mondiale.

Les inépuisables ressources internes sont conservées et parfois restaurées, dans des salles spécifiques du fort d’Ivry-Sur-Seine. Aujourd’hui, l’ECPAD cherche à faciliter l’accès à distance à ces précieuses archives.

« Chaque année, nous avons environ 400 visiteurs qui se rendent à notre médiathèque afin de consulter nos stocks d’images. Nous sommes conscients que nous devons nous ouvrir vers l’extérieur. Nous sommes actuellement en phase d’élaboration d’une plate-forme numérique pour une consultation directement sur internet », reprend Christophe Jacquot. Les premiers tests grandeur nature sont en cours. L’accès aux archives de la défense, via le réseau, devrait être effectif dans le courant de l’année 2017.

 

Ina, les antennes du passé télévisuel

L’image d’archive ne concerne pas uniquement les conflits armés. Elle peut être liée à des programmes télé-proposés il y a bien longtemps. Des choses simples parfois, mais qui ravivent notre mémoire d’enfant.

Presqu’aussi connu du grand public que des professionnels, l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) conserve, depuis les premières heures de la télévision, une grande partie de ce qui est diffusé sur les chaînes nationales. Il a été aussi l’un des précurseurs en termes d’exposition et de monétarisation de son patrimoine, directement via le net. En effet, dès avril 2006, sa plate-forme vidéo était mise en ligne. Pour l’internaute « lambda », le site ina.fr offre gracieusement l’accès à une partie des programmes.

Des abonnements Premium payants sont aussi proposés pour un accès plus complet. Mais en ce qui concerne le marché des professionnels, c’est une plate-forme dédiée qui a été spécifiquement développée : inamediapro.com.

Cette fois, les sociétés abonnées peuvent puiser dans près de 1,4 million d’heures de programmes en tout genre. « Nous avons mis en place un outil de recherche très performant, pour faciliter le travail des réalisateurs de documentaires ou de reportages et de leurs équipes. Nos documentalistes sont disponibles pour chaque projet bien précis. Enfin, nous proposons une information claire sur les garanties juridiques des images utilisées », explique Stéphane Cochet, directeur marketing et ventes de l’Ina.

L’Institut propose également ses services à certaines fédérations sportives ou encore à de grandes sociétés. L’idée est de prendre intégralement en charge la gestion du stockage et/ou la commercialisation de leurs images. Parmi les instances sportives, qui font partie des organismes les plus riches en archives, on peut citer notamment le Comité international olympique ou encore la Fédération française de tennis.

 

L’actualité s’archive

Une partie non négligeable de la ré-exploitation des images d’archives dans le documentaire est issue des journaux d’actualités cinéma qui existaient bien avant la télévision. Gaumont Pathé Archives est le fruit du regroupement, en décembre 2003, des catalogues de la Cinémathèque Gaumont et de Pathé Archives. Cette alliance fait de cette entité une des plus importantes banques francophones d’images animées, avec plus de 14 000 heures.

Parmi ses nombreux contenus, une large partie est consacrée aux reportages de la première moitié du XXe siècle. Ces sujets d’actualités ou magazines étaient diffusés alors dans les salles avant la projection des films. « Nous constatons que l’image d’archive est toujours très sollicitée, notamment en ce qui concerne le documentaire. Il est vrai aussi qu’aujourd’hui la demande de colorisation des images, pour une exploitation “plus contemporaine”, est très importante. C’est une tendance assez récente mais en forte expansion », précise Manuela Padoan, directrice de Gaumont Pathé Archives.

 

De nouvelles formes d’archives

Outre les grandes sociétés d’images de stock « historiques », il existe de très nombreuses structures de tailles plus modestes dont l’économie ne repose plus sur l’image du passé, mais sur le développement des nouveaux outils de captation. L’essor de l’image aérienne par exemple, avec notamment la percée du drone, a rendu plus simples et donc plus nombreuses les séquences « vues du ciel ». Ces techniques sont dorénavant très demandées par les réalisateurs et les diffuseurs.

Papa Sierra, entreprise que nous avions rencontrée à l’occasion du dernier Micro Salon à la Femis, est spécialisée dans la captation aérienne. Créée en 1993, elle exploite notamment six unités Cineflex et des drones. Papa Sierra intervient sur les directs télévisuels (Tour de France…), mais propose aussi ses services pour le documentaire et la fiction avec ses upgrades pour les prises de vues aériennes en 4K.

La société boulonnaise capitalise dorénavant sur son catalogue d’images d’archives aériennes. Il y a quelques mois, elle faisait la démonstration de sa toute nouvelle interface en ligne qui donne accès à plus de 3 000 heures de prises de vues aériennes. Les recherches par mots clés permettent de visionner, d’organiser et de télécharger en version basse définition des images afin de les tester dans un montage avant acquisition en Full HD. Le prix de vente est rapporté à la seconde d’utilisation avec un minimum de trente secondes d’achat. La banque d’images regroupe des rushes réalisés sur l’ensemble de la planète.

Grâce à l’essor de l’Internet très haut débit, les banques d’images d’archives vidéo se sont multipliées ces dernières années. Parmi celles que l’on retrouve souvent dans les montages audiovisuels actuels, on peut citer Shutterstock ou encore Videohive.

 

Du travail pour tous

Travaillant pour le compte des grandes structures d’images d’archives que nous venons de citer ou pour de plus modestes, de très nombreux prestataires techniques interviennent à différents niveaux de la chaîne. Certains s’affairent à la restauration de la pellicule, d’autres à la numérisation ou à la remasterisation de programmes dans des formats plus contemporains, HD ou 4K. D’autres formes de sociétés, comme Cité de Mémoire, proposent, quant à elles, des solutions de plate-formes clefs en main pour la gestion des images d’archives. Enfin, le travail des documentalistes est très sollicité dans le cadre du documentaire historique.

La gestion (des droits notamment), la conservation, l’indexation et le stockage de l’image d’archive ont donc de belles décennies devant elles. Pourtant, le monde d’images dans lequel nous vivons et son lot de séquences vidéo fabriquées et mises en ligne chaque jour, peut aussi nous laisser songeur. Qu’adviendra-t-il de ces quelque 600 000 heures de vidéos uploadées chaque jour sur YouTube ? Certes, nous y trouvons tout et n’importe quoi. Cependant, pour les séquences dignes d’intérêt, quelle sera leur accessibilité dans plusieurs décennies ?

Peut-on aussi considérer les réseaux sociaux comme des archivistes de l’image ou restent-ils simplement des tuyaux de circulation de l’information ? Au-delà de l’aspect technique, la question des droits d’auteurs, qui est essentielle, ne semble pas tout à fait au cœur du dispositif de ces réseaux. Malgré les discours des uns et des autres, les faibles avancés dans les négociations avec les sociétés de perceptions, comme la SACD ou encore la SCAM, en sont la preuve. 

 

*Extrait de notre article « Images d’archives, un avenir prometteur » paru pour la première fois dans Mediakwest #20, p.56-58Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.