TitraFilm : dix nouvelles salles pour la post production TV

Suite à son redéploiement sur Saint-Ouen, TitraFilm complète ses moyens techniques avec la création de dix nouvelles salles de travail dédiées à la postproduction TV. Miguel Adélise, directeur technique adjoint pour l’ensemble des moyens audio de TitraFilm, et également responsable technique des Studios de Saint-Ouen, nous fait visiter ces nouvelles installations architecturées autour des technologies d’Audio sur IP.
1_Titra-06 Studio A mix Long_1.jpg

 

À l’occasion de l’intégration de TVS sur le site de Saint-Ouen, TitraFilm, qui regroupe depuis quelques temps déjà le labo TVS et le spécialiste du doublage film Les Studios de Saint-Ouen (lire plus loin), se dote de dix nouveaux studios qui viennent étoffer son offre. Mise en service en octobre dernier après un ensemble de travaux répartis sur plus de deux ans, cette nouvelle plate-forme technique créée ex nihilo comprend quatre salles de montage, deux cabines Speak, deux studios d’enregistrement et deux studios de mixage.

Partant d’une dalle nue sans aucun câblage, Miguel Adélise s’est appuyé logiquement sur les technologies d’audio sur IP : « Après une première expérience moyennement concluante avec Ravenna, on a finalement fait le choix du Dante, explique t-il. Nous sommes pleinement satisfaits car l’installation est stable, et la récente évolution du Dante vers la vidéo se montre prometteuse. »

 

 

Stockage centralisé et audio sur IP

TitraFilm ne fait pas exception à la tendance actuelle qui pousse vers le stockage centralisé. Ainsi, bien que l’ensemble des installations soit réparti sur deux bâtiments, l’organisation, grâce au déploiement de la fibre sur l’ensemble du site, repose sur un serveur centralisé NAS Dell EMC Isilon qui distribue les sources suivant les besoins. « Une session Pro Tools peut ainsi commencer dans un studio et se poursuivre dans un autre car nous avons fait en sorte de respecter une uniformité d’équipement et de câblage », précise Miguel Adélise. Motorisés par des Pro Tools HD1, les studios son communiquent sur le réseau en Dante grâce à leurs interfaces audio FocusRite RedNet HD32R, tandis que, suivant les salles, on trouve des surfaces de contrôle Avid D Command, C24 ou S6.

Au-delà de la légèreté du câblage et de la suppression des problèmes de buzz et autres parasites qui traditionnellement constituent un vrai casse-tête sur des installations de cette ampleur, notre interlocuteur fait le point sur les changements apportés au quotidien par les technologies IP sur un complexe technique multisalle comme celui de TitraFilm.

« Avant le câblage IP, à chaque changement de console, il fallait prévoir et modifier le câblage pour l’adapter à chaque machine. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, le câblage reste identique même si les machines changent. Comme nous avons effectué l’isolation et le traitement acoustique de l’ensemble des salles dès le départ, nous pouvons même envisager de modifier l’activité d’une salle sans changer son câblage. Par exemple, rien ne nous empêche de transformer un studio son pour en faire une salle de cinéma ou de transformer une salle de DCP en un studio son, ou encore l’utiliser ponctuellement pour vérifier un mixage », souligne Miguel Adélise.

Pour le dépannage quotidien et la maintenance, l’audio sur IP offre également plus de souplesse et de nouvelles possibilités grâce à la disponibilité de nouveaux outils. Ainsi, tous les assistants son de la maison sont équipés d’une petite interface AM2 appartenant à la gamme RedNet de FocusRite. Elle est alimentable en PoE et dotée simplement d’une sortie ligne et d’une sortie casque stéréo.

« Avec un casque ou une paire d’enceintes amplifiées, les assistants peuvent récupérer et écouter toute les sources de tous les Pro Tools partout où ils se trouvent. Il suffit juste d’avoir une liaison en RJ-45 jusqu’à un switch, la commutation des écrans claviers souris se faisant via KVM. Avec cette configuration, je peux facilement assister quelqu’un, entendre ce qui se passe sur son système et le dépanner. Plus généralement, comme on n’est plus limité par les longueurs de câbles, cela permet de distribuer de l’audio partout dans la maison et d’écouter au casque ou sur des enceintes. Dans le même esprit, toujours chez FocusRite, il y a aussi la petite interface X2P qui, avec ses deux préamplis micro, permet d’enregistrer un speak de manière autonome directement dans la cabine si tous les studios sont pris… », explique Miguel Adélise.

 

 

Gestion du monitoring centralisée

Pour les enceintes, les Genelec 8240 et 8330 bien connus des mixeurs ont été installées dans les studios son, tandis que dans les salles de montage sont proposées des Dynaudio Air12, ou d’autres marques disponibles sur demande.

« À six mois près, nous aurions pu nous équiper avec des enceintes RJ 45, ce qui aurait encore simplifié l’installation en supprimant les boîtiers de conversion dans les dix salles », regrette Miguel Adélise toujours à l’écoute des dernières tendances, comme par exemple la centralisation de la gestion du monitoring.

En effet, toutes ces fonctionnalités quotidiennement utilisées, comme le fait de passer d’une petite à une grande écoute ou d’un monitoring stéréo à un monitoring multicanal, ou encore d’actionner le talk-back pour communiquer avec le comédien voix en cabine, étaient encore récemment assurées par des consoles. Avec leur disparition progressive, sont apparus sur le marché des processeurs dédiés à ces tâches, apportant parfois le processing et l’optimisation des enceintes, comme c’est le cas chez Trinnov par exemple.

Avec la structure de carte de traitement modulaire d’un produit comme le DAD AX32, une nouvelle étape semble aujourd’hui en passe d’être franchie puisque deux de ces machines suffisent à assurer la gestion centralisée de l’ensemble des nouvelles salles.

« Les DAD récupèrent les entrées/sorties nécessaires au monitoring des salles depuis les stations audio ou vidéo via Dante, soit environ une trentaine de canaux par studio. En fonction des salles, la conversion Dante pour ce monitoring est effectuée soit via le dispositif KVM, soit via le logiciel Audinate Virtual Sound Card. La latence induite par ce procédé est ici acceptable, sachant que la latence d’affichage des moniteurs est de l’ordre de 10 ms et qu’elle reste toujours bien en dessous du quart d’image. La partie processing du monitoring est prise en charge par le système Genelec dans les studios son, et par le DAD AX32 dans les autres salles, notamment grâce à la capacité de traitement des cartes filles SPQ dont les DAD sont équipés », précise Miguel Adélise.

Une fois acheminées et traitées dans le DAD, les sorties sont distribuées vers le Control Room et le monitoring casque de chaque régie suivant les besoins, sachant que, dans chaque salle, un boîtier de télécommande DAD Mom permet d’appeler les sources nécessaires en fonction des configurations demandées (grande, moyenne ou petite écoute, stéréo, 5.1, tall-back, etc.).

Miguel Adélise nous retrace la genèse de cette solution plutôt avant-gardiste : « Acquérir les dix systèmes de gestion de monitoring 5.1 dont nous avions besoin représentait un investissement important. J’ai donc essayé, sans succès, de trouver un système de monitoring 5.1 compatible Dante avant de me tourner vers le DAD AX32 que l’on peut considérer comme une matrice 1 500 x 1 500 capable de router et de véhiculer 512 canaux audio avec SRC sur un simple câble Gigabit Ethernet. Il suffit ensuite d’ajouter les cartes nécessaires pour le processing audio et le Dante. J’ai réparti ensuite le traitement sur deux machines simplement pour avoir une solution de rechange en cas de panne. L’une des forces du DAD est de pouvoir assurer les commutations à toutes les fréquences de façon indépendante grâce à ses conversions SRC intégrées et je n’ai besoin d’acheminer qu’une seule référence PTP distribuée via IP, ce qui simplifie également la distribution d’horloge. »

 

 

Administration, sécurisation

Évidemment, le passage au tout IP ne va sans nécessiter une adaptation aux technologies réseau, créant au passage de nouvelles tâches et soulevant de nouveaux problèmes liés notamment à l’administration et à la sécurisation, un point central pour une société comme TitraFilm dont les clients figurent parmi les plus exigeants en la matière.

Miguel Adélise précise son niveau d’intervention dans la gestion quotidienne du réseau : « Je gère les machines audio dans la plage d’adresses IP qui m’est réservée. À partir du moment où le service informatique me réserve une zone IP pour l’audio, je peux par exemple y déployer un switch. Pour l’exploitation, il faut juste ensuite savoir ouvrir et fermer les ports via des lignes de commande. Par contre, tout ce qui concerne le maillage du réseau, les liens entre switch et la gestion des zones reste l’affaire du service IT. De manière générale, il faut intégrer les bons réflexes en matière de sécurité informatique, afin de savoir qui fait quoi sur le réseau, et d’être capable d’établir le contrôle et la traçabilité des accès exigés par nos clients. Le logiciel Dante Domain Manager me permet de déterminer les zones d’utilisation et les autorisations d’accès en fonction des profils utilisateurs (intervenant extérieur, permanent, etc.), et des projets sur lesquels ils travaillent, sachant que chaque studio est un sous-domaine. Ce besoin de contrôle va encore s’accentuer lorsque la vidéo sera transportable via Dante. »

 

 

De la veille technologique et des idées

Guidées par une veille technologique constante, les idées de chantiers à venir figurant sur la feuille de route ne manquent décidément pas ! Il y aura prochainement le changement de certaines consoles et ordinateurs hôtes qui arrivent en fin de vie et ce sera sans doute l’occasion de réduire l’espace nodal et la consommation électrique des stations audio basées sur des Mac « Cheese-Gater » format tour, sans oublier les nouvelles possibilités qu’offriront bientôt le transport des données audio et vidéo synchrones en Dante sur Ethernet 1 Gbit. En effet, dès que les fabricants auront intégré la nouvelle carte Dante AV Module annoncée par Audinate pour mi-2019, l’ensemble du dispositif permettant le transport et la lecture de l’image vidéo dans les studios devrait s’en trouver allégé. Bref, encore de belles évolutions à venir…

 

 

HISTORIQUE TITRAFILM : DU SOUS-TITRAGE À LA LOCALISATION MONDIALISÉE

Même si, quand on évoque TitraFilm, vient naturellement à l’esprit le sous-titrage qui est à l’origine de la création de la société en 1933, l’activité d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle a été durant les années d’or de la pellicule.

Parmi les changements importants, on peut citer tout d’abord, en 1991, la création du laboratoire TVS pour permettre de livrer des PAD aux chaînes de télévision, notamment Canal Plus, et également effectuer des Dupli K7 vidéo. Ce labo s’orientera progressivement de plus en plus vers le doublage TV. Parallèlement, avec la disparition de la pellicule et la montée en puissance du fichier, l’activité sous-titrage fond, mais la société fait le choix de rebondir en se repositionnant sur de nouvelles activités prenant en compte ce nouvel environnement technologique.

Au final, après l’acquisition des Studios de Saint-Ouen en 2010 et un recentrage de toute l’activité sur ce nouveau site, TitraFilm devient progressivement un guichet unique capable de proposer un ensemble de services incluant mastering DCP, la localisation tout secteur (TV, film, série) structuré pour répondre à la demande des majors traditionnels, mais aussi aux nouveaux diffuseurs que sont devenus Amazon, Apple ou Netflix.

Évidemment, cette mutation ne se fait pas en un jour et passe par la recherche de partenaires pour la localisation au niveau mondial permettant de proposer 40 langues, la création de la plate-forme de validation MyTitra, sans oublier un travail de sécurisation tant informatique que physique indispensable pour accompagner la révolution du tout fichier, avec une labellisation anti-piratage ISO 27001 et TPN 2018 en cours de validation.

Aujourd’hui TitraFilm est à même de proposer un large panel de services allant de la postproduction audio à la mastersation pour l’animation en passant par la création de voix pré-animatiques, mais aussi le mediaprocessing au sens large (diffusion hertzienne, VOD, DCP…), la localisation, ou encore le stockage et l’archivage (rushes, masters, DCP, projects, sessions…), sans oublier la formation sur certains créneaux spécialisés comme le sous-titrage, la gestion de projet, la détection ou la direction d’acteur…

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.54/56. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.