Le haut de gamme de la stabilisation des caméras est made in France

L’histoire d’Access Motion a débuté il y a 6 ans : « C’était les balbutiements de la prise de vue au drone; nous nous sommes rapidement aperçus que, dans ce domaine, le plus simple était de faire voler une caméra, le plus compliqué étant de la stabiliser : nous avons alors axé nos travaux sur la stabilité. Un jour, une idée s’est présentée à nous « Et si on prenait ce truc à la main, ça n’existe pas ! »… Et à l’époque, ça n’existait pas ! »
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Nous avons suivi l’équipe d’Access Motion au cours de ses travaux de perfectionnement du Stab One, en extérieur pour des tests grandeur nature et au sein de l’atelier de la marque basé à Meudon, en région parisienne. Nicolas Basset, son dirigeant, nous a accueillis à bras ouverts pour nous présenter la version Mk2 du Stab One et les nouvelles propositions de la marque : notamment des bras supports pour têtes de stabilisation et une offre de développements sur mesure.

 

Mediakwest : Vous aviez pris le « truc » à la main. Quelle a été la suite ?

Nicolas Basset : Nous étions persuadés de notre intuition et avons poursuivi les développements, jusqu’à la mise au point d’un prototype de stabilisateur gyrostabilisé à main fonctionnel. Je me souviens de ce jour, dans les locaux que nous louions à Ivry-sur-Seine, dans un espace commun à plusieurs sociétés de l’audiovisuel, dont le centre de formation Les Lapins Bleus Formation. Jean-Marie Billard-Madrières, alors patron des Lapins Bleus, lève les yeux de son ordinateur et nous interpelle alors que nous testions notre prototype dans le couloir. Il venait de lire un compte rendu du NAB 2013 de Las Vegas avec le lancement mondial du Mövi et il était très surpris de voir dans nos mains une machine similaire. Même si cela démontrait que nous étions sur la bonne voie, nous avons pris « en pleine face » l’arrivée sur le marché de cette concurrence inattendue. Nous nous sommes, à ce moment précis, vraiment interrogés sur la pertinence de poursuivre l’aventure…

 

M. : Peux-tu nous conter les débuts de votre produit phare, le Stab One ?

N. B. : Pour le Stab One, nous avons pioché dans des technologies existantes que nous avons assemblées, développées et affinées pour créer notre stabilisateur. La logistique initiale s’est appuyée sur Jeronimo, la société de Jérôme, dédiée à la gestion de son parc matériel. Après le développement du prototype, nous avons rapidement mis au point un numéro zéro, et des gens ont très vite été au courant de nos travaux, grâce à la concomitance du développement des offres concurrentes comme le Mövi de Freefly dont tout le monde parlait. C’est à ce moment-là que nous avons officialisé l’aventure avec la création de la société Access Motion, dont le premier produit a été le Stab One, proposé à la vente et à la location.

 

M. : Avez-vous une cible privilégiée pour vos stabilisateurs ?

N. B. : Nous sommes très vite partis dans le domaine de la fiction cinéma, les téléfilms et les séries. Pour le développement de notre stabilisateur, nous avons pensé les problèmes à l’envers par rapport à nos concurrents. Venant du cinéma, nous avons pensé une machine optimisée pour le travail au quotidien sur les tournages, alors que la machine de FreeFly était plutôt développée dans une logique de « modélisme » (dans le bon sens du terme). C’était une très bonne machine, mais au départ développée par un spécialiste du drone. Il nous a très vite semblé évident que dans les machines telles que le FreeFly il manquait le côté pratique du tournage, notamment dans la gestion de l’alimentation, un point crucial pour nous.

 

M. : Quelle était la différence du Stab One pour l’alimentation ?

N. B. : Notre toute première machine fonctionnait avec deux batteries de Canon 5D, volontairement sélectionnées pour leur omniprésence mondiale. Les stabilisateurs de FreeFly utilisent des batteries Li-Po (batteries polymères lithium-ion) très bonnes d’un point de vue technologique, mais fragiles et potentiellement dangereuses (parfois refusées dans les avions). Pour nous, ce n’était pas viable en termes de tournage. Nous avons également utilisé des moteurs avec des couples plus importants.

 

M. : La nouvelle version de votre stabilisateur, le Stab One Mk2, est-elle une simple évolution ?

N. B. : L’élaboration et l’optimisation de nos modèles monopolisent un temps important ; ce fut le cas pour le Stab One et également pour le Mk2 avec de nouvelles idées de développement. Nous avons la chance d’entretenir des relations privilégiées avec les chefs opérateurs, les cadreurs, les opérateurs et les assistants et nous mettons un point d’honneur à les écouter. Le Mk2 est une synthèse de leurs remarques et de leurs souhaits afin de le rendre plus pratique au quotidien sur les tournages, avec une orientation toujours très cinéma.

Nous avons également été confrontés à des questions d’ordre financier, notamment avec l’arrivée du premier Ronin de DJI au prix défiant toute concurrence. Heureusement, ce n’était quand même pas une bonne machine, cela a joué en notre faveur. Le deuxième Ronin était nettement plus abouti, mais avec un prix revu à la hausse. On s’est aperçu aussi qu’il y avait cette volonté, en plus de l’utilisation « main » du Stab One, de l’utiliser en accroche sur des grues ou des voitures. Le Mk2 a donc été pensé également comme une « petite tête » légère et stabilisée, son prix étant très intéressant pour cet usage. Il a pris un peu d’embonpoint, tout en conservant l’ADN du modèle originel.

 

M. : Plus qu’une évolution, c’est donc un nouvel usage que vous souhaitez proposer pour votre machine ?

N. B.: On peut dire qu’avec le premier modèle on a conçu un appareil « à main » qui, accessoirement, était utilisable sur une grue. Le Mk2 est une machine qui se met sur une grue et qui se prend à la main. C’est très schématique et l’utilisation de la machine reste la même. Notre souhait, qui se concrétise progressivement, c’est que les gens l’utilisent également comme une tête légère et portable.

 

M. : Avez-vous travaillé sur des projets pour associer le Stab One avec un steadicam ?

N. B. : Les outils comme le Stab One sont des machines lourdes qui nécessitent souvent des outils supplémentaires pour les porter (et les supporter). Il existe plusieurs solutions, mais je pense que le modèle idéal n’existe pas encore. En ce qui concerne la question de la stabilisation, le Stab One traite les différents axes de rotation, le steadicam travaillant lui sur l’axe linéaire vertical. L’association des deux solutions semble donc totalement logique, mais reste aujourd’hui compliquée à mettre en œuvre pour de nombreuses raisons, notamment financières.

Il existe une autre considération, artistique cette fois, liée aux habitudes des chefs opérateurs français. Dans notre pays, le DOP, en charge de la lumière d’un film, en assure souvent le cadre. Dans ces circonstances, pour les plans en mouvement, lorsque l’on fait appel à un steadicamer, cela peut parfois provoquer une certaine forme de frustration pour les opérateurs, obligés de déléguer le cadre pendant une ou deux journées. Ils ont alors l’impression, pendant ces moments, que la maîtrise de leur art leur échappe.

Le Stab One représente parfois la solution, exploitée par le chef opérateur en remplacement d’un steadicam. Les stabilisateurs permettent également des économies non négligeables pour le budget de certains films. De nombreux opérateurs ont investi du temps à apprendre le maniement de ces outils et ont acquis une belle maîtrise au cours de leurs expériences.

 

M. : Quelles configurations caméras peuvent être utilisées avec le Stab One ?

N. B. : Les limites ont été repoussées très loin, le Stab One Mk2 peut quasiment tout porter ! C’est notre réponse aux demandes des utilisateurs qui ont plébiscité une flexibilité accrue dans le choix des optiques et des caméras. Aujourd’hui, pour le marché de la fiction, les caméras utilisées sont principalement l’Arri Alexa Mini, toutes les caméras Red, des Sony F55 et maintenant des Sony Venice avec enregistreur AXR-R7. Avec le Stab One Mk2, les opérateurs peuvent utiliser toutes ces caméras et leur associer un très large choix d’optiques dont des zooms, essentiellement pour les téléfilms qui demandent de la rapidité.

Notre package de développement était donc basé sur une Arri Alexa Mini équipée d’un zoom Angénieux Optimo, les trois moteurs de pilotage de l’optique, et un porte-filtres. Notre machine a été développée pour fonctionner idéalement avec cette configuration ; on propose aujourd’hui une machine aux capacités très rarement prises en défaut. Nous avons déjà utilisé des optiques de 7 à 8 kg, ce qui est complètement dingue, notamment des optiques anamorphiques Panavision qui concentrent leurs poids principalement vers l’avant de l’objectif ! Cela reste une configuration rare, qui démontre les capacités de notre système.

 

M. : Avec le Stab One et le Stab One Mk2, vous revendiquez des atouts forts en termes de fiabilité et de solidité ?

N. B. : Et de praticité ! Grâce à l’implémentation d’un bouton à sept fonctions, on permet le réglage de la machine in-situ, quasiment dans les mains du chef opérateur. Des ajustements de réglages sont possibles entre deux prises, voire entre deux plans.

 

M. : Quelle solution avez-vous choisie pour l’alimentation ?

N. B. : Ne souhaitant pas vendre de batteries, comme peuvent le faire nos concurrents américains ou chinois, nous installons les batteries de la caméra sur le stabilisateur ; elles réalimentent alors l’ensemble des accessoires (moniteurs, liaisons HF), la caméra et le Stab One lui-même (très peu énergivore). Pour s’adapter aux habitudes des assistants, on peut déployer des alimentations partout.

M. : Quels sont les réglages disponibles sur le Stab One ?

N. B. : On propose une solution qui n’existait pas auparavant chez nos concurrents, un petit joystick manipulable au pouce, qui gère l’ensemble des axes de la caméra (deux, auparavant), pan, tilt, bulle d’horizon. Un autre tout petit bouton situé sous le joystick à pouce permet de basculer entre deux réglages de suivi différents. Cela permet de s’adapter à différentes conditions et lieux de tournages sur un même plan. Le passage d’un réglage à l’autre se fait avec une transition douce évitant les à-coups.

Ce sont les réglages fondamentaux auxquels on a ajouté un réglage dédié à la gestion des petites vibrations parasites. Mécaniquement, nous avons opté pour des vis de réglages à papillons permettant de totalement se passer d’outils. Une fonctionnalité liée au cinéma, une plaque à décentrement Arri est installée à demeure pour permettre de passer la caméra directement depuis son pied sur le Stab One, sans nécessiter de perpétuels démontages-remontages.

 

M. : Vous travaillez sur une télécommande plus complète pour le Stab One, peux-tu nous en dire plus ?

N. B. : Une télécommande type modélisme, modifiée pour une efficacité et une praticité accrues, est livrée avec le Stab One. On développe en parallèle un pupitre de commandes, qu’on souhaite le plus exhaustif en termes de fonctionnalités et d’options de manipulations, avec des joysticks et des manivelles type cinéma pour les réglages du pan et du tilt (qui peuvent être retournées ou inversées). L’origine des manivelles viendrait des procédés de réglages des canons de l’infanterie, elles étaient utilisées pour régler les lourds trépieds de grosses caméras de cinéma ; un système de démultiplication facilitant leur manipulation avec une grande précision. Même si les manivelles pourraient sembler aujourd’hui dépassées, les opérateurs apprécient l’extrême précision de cet outil que nous avons adapté au pilotage de la tête.

Nous proposons une dernière méthode de pilotage de la tête, via une sorte de pan-bar. Le système peut alors être utilisé « classiquement » : un cadreur portant la caméra, un second la pilotant via la télécommande.

Une autre utilisation consiste à installer le Stab One comme une tête stabilisée et pilotable sur une grue ou en accroche sur une voiture. La télécommande est également prévue pour pouvoir fonctionner en filaire afin de répondre aux exigences télé, certains professionnels craignant, avec les systèmes HF, par exemple dans les salles de concert saturées en fréquences, la perte de liaison. Nous avons présenté le numéro 0 de la télécommande en marge du micro salon, la version officielle est en cours de finalisation.

 

M. : As-tu un exemple d’utilisation particulière du Stab One ?

N. B. : Il y a trois semaines, j’étais présent sur le tournage d’une série anglaise, une adaptation de La Guerre des mondes. Deux machinos portaient et déplaçaient la caméra sur le Stab One pendant qu’un opérateur le pilotait via des manivelles pour effectuer le cadre, ce qui permettait d’obtenir un traveling humain extrêmement intelligent, et que l’on peut à loisir repositionner, surtout dans des endroits où il est délicat d’installer des travelings très longs, avec des trajectoires compliquées.

Pour du tournage animalier, il nous a été demandé de mettre un Stab One sur une voiture radiocommandée, pour une série documentaire en Afrique. Le but était de pouvoir déplacer une voiture radiocommandée de taille importante qui allait se positionner en attente à un endroit précis. L’opérateur attendait le moment opportun pour allumer et prendre la commande du système. Le but du jeu était de filmer des bébés lionceaux en Afrique du Sud. Le Stab One était opéré en tant que tête stabilisée, avec l’avantage d’une taille limitée et d’un faible poids. C’était en partenariat avec la société Propulsion dont nous sommes très proches.

 

M. : Proposez-vous d’autres produits ou services ?

N. B. : On développe effectivement des solutions parallèles et complémentaires du Stab One, par exemple un bras de suspension entièrement mécanique pour accrocher des stabilisateurs sur des véhicules (voitures, bateaux, etc.). Il y a d’autres stabilisateurs sur le marché, et les outils que nous développons autour du Stab One peuvent intéresser les utilisateurs des produits concurrents. Nous souhaitons faciliter la vie des opérateurs.

L’idée initiale du bras de suspension répond à des retours d’utilisateurs qui trouvaient que le réglage du Black Arm, le système leader sur le marché actuellement, était trop complexe. Nous avons alors souhaité que notre bras soit le plus simple possible à régler avec une qualité maximale. Pour cela nous avons opté pour un amortisseur à air qui se gonfle avec une simple pompe à main, et ne nécessite quasiment aucun réglage. Nous collaborons pour cela avec une société française fabricante d’amortisseurs depuis 15 ans.

Une autre partie qui nous intéresse énormément est le développement à la demande de produits destinés à des utilisations ciblées. Nous avons, par exemple, travaillé sur un système de stabilisation pour des tournages au drone en 360 °, basé autour de notre électronique avec un développement mécanique dédié. Une barre traversait le drone de part en part pour supporter des caméras en dessous et au-dessus du système de portage. Le système a également été utilisé sur une solution de cable-cam.

 

M. : Peux-tu nous présenter quelques productions sur lesquelles ont été utilisées vos machines ?

N. B. : Nous travaillons pour l’émission hebdomadaire La Maison France 5 depuis cinq ans. L’émission Demain nous appartient diffusée sur TF1 est également tournée au Stab One. Avec deux équipes de tournage pour les intérieurs, une équipe pour les extérieurs, et 300 jours de tournage annuels, c’est un véritable laboratoire pour nous ; de la fiction en diffusion quotidienne. Nos machines ont également été utilisées sur la deuxième saison de Guyane pour Canal+ dans des conditions difficiles, sans aucun problème. Ces deux projets nous ont permis de confirmer la solidité de nos machines, par rapport à la durée et à la grande quantité de tournages pour l’un et pour les conditions météorologiques extrêmes pour l’autre.

Le Stab One première génération était également présent sur le film animalier Aïlo, sorti pour Noël dernier. Cette fois, ce sont les conditions météorologiques polaires, avec des températures avoisinant les -20° C, qui ont mis à l’épreuve le stabilisateur. Avant le tournage, des tests avaient été effectués par la production, le Stab One commençant à présenter des dysfonctionnements, uniquement à cause de câbles qui durcissaient lorsque la température atteignait – 25° C. Mécanique et électronique, Access Motion maîtrise la chaîne complète. À partir du moment où il faut faire bouger une caméra, c’est notre domaine. 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #33, p.12/15. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.