Les dernières heures de Pompéi, un docu-fiction atypique

Stéphane Millière, président de Gedeon Programmes, a mené avec passion la production du docu-fiction, Les dernières heures de Pompéi, un projet atypique à la hauteur de ce chantier de fouilles. Retour sur cette aventure hors du commun avec le producteur et avec le réalisateur, Pierre Stine.
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Quand Stéphane Millière apprend que des fouilles vont être lancées à Pompéi, afin de consolider l’existant, le producteur, récompensé à de nombreuses reprises pour ses films scientifiques, n’hésite pas un instant.

La cité au pied du Vésuve n’avait pas connu de telles fouilles depuis près de 70 ans. Grâce à sa renommée internationale, il décroche l’exclusivité. « Cela m’a pris huit mois de discussion avec Massimo Osanna, le directeur général de Pompéi. C’est parce qu’il connaissait mon travail sur l’archéologie qu’il a accepté de travailler avec Gedeon Programmes. J’ai signé un accord de coproduction avec le Parc archéologique qui pourra utiliser nos images dans le cadre de leur musée », détaille le producteur.

Les deux hommes s’entendent et Massimo Osanna accepte d’être le conseiller archéologique sur le film. « Ce qui m’intéressait avant tout, était de capter chaque moment clé de la découverte, de pouvoir la suivre au jour le jour et de l’enrichir des hypothèses des scientifiques travaillant sur la fouille », glisse Stéphane Millière.

 

Une chronologie précisée

C’est dans le cadre du plan Grand Projet Pompéi de 105 millions d’euros que sont décidées ces nouvelles fouilles, après le scandale de 2010, période où des parties de la ville s’effondrent à cause de la poussée des eaux de pluie. Il faut attendre 2017 pour débuter ce nouveau chantier archéologique. Il va durer 18 mois et les équipes de Gedeon Programmes vont le filmer pendant 95 jours, s’adaptant aux avancées des archéologues. Ces derniers se focalisent sur la fouille d’une partie du nord de la ville, le Cuneo, une zone en forme d’entonnoir, qui concentre les infiltrations d’eau vers le reste de la cité antique déjà fouillée. Pour sauver celle-ci, il est nécessaire de la sécuriser des eaux et de dégager le triangle du Cuneo des cendres qui le recouvrent.

Peu à peu, les archéologues mettent au jour une rue, constituée de la maison du jardin et celle de Jupiter, ainsi qu’un bar romain, un thermopolium. « On a pu reconstituer toutes les strates en hauteur de l’éruption sur cinq mètres. Cela a permis de reconstituer précisément la chronologie de l’éruption », reprend-il. Tout a débuté vers midi ce 24 octobre de l’année 79. Tombent alors près de 15 cm de lapilli – des pierres ponces – par heure. Elles bloquent les rues et plus personne ne peut circuler. Cela a duré 18 heures. Après une accalmie, vers cinq heures du matin, arrive alors le flux pyroclastique à près de 200 km/h et plus de 400 degrés. Ce nuage de cendres et de gaz va alors raser les premiers étages, faire basculer les murs et tuer toute vie sur son passage.

 

Un tournage atypique

Cette fouille a réuni tous les métiers de l’archéologie actuelle, des archéologues, des anthropologues, mais aussi des experts de la photogrammétrie qui réalisent chaque semaine des photos de la fouille au sol et par drones. « Cette photogrammétrie permet aux archéologues d’avoir un modèle 3D de l’état de la fouille chaque semaine et d’analyser a posteriori tout ce qui s’est passé pendant ces 18 mois. Dans le film, nous avons monté les différentes étapes et obtenu une animation », détaille le producteur.

Pour mener à bien le tournage, Stéphane Millière fait appel à Pierre Stine, avec qui il a déjà travaillé notamment sur des primes pour France 2, il y a une plusieurs années. « C’était une expérience incroyable. La ville est très impressionnante. Elle dégage une atmosphère, l’enjeu était d’arriver à la transmettre à l’image. Dès le début de la fouille, mon challenge était de faire sentir aux spectateurs devant leur petit écran l’émotion des archéologues. C’est l’une des difficultés d’un film scientifique. Filmer l’enthousiasme est toujours passionnant », relate le réalisateur belge.

Et pour ce faire, il cherche une personne charismatique à même de faire vibrer le spectateur… Massimo Osanna se prête peu à peu au jeu. « Il est devenu le personnage principal et raconte à la première personne sa vision de la fouille et les découvertes de ses équipes, c’est lui qui mène l’enquête. »

 

Être au plus près de la réalité

Pendant les fouilles, Stéphane Millière contacte Hubert Naudeix, de la société Aristéas, une société arlésienne spécialisée dans les reconstitutions de bâtiments disparus, pour avoir une vision exacte de la rue. « L’objectif était de voir à quoi elle ressemblait avant sa destruction, de combiner le savoir des archéologues et celui d’Aristéas afin de dresser un schéma précis du bâti », explique-t-il.

Aristéas modélise les bâtiments selon les indications des archéologues. « Cela nous a permis d’avoir une représentation nouvelle de celle que l’on connaissait de Pompéi. On a notamment constaté que la ville conservait des traces du tremblement de terre de 62 et qu’elle était déjà en travaux. C’est une vision plus réaliste de Pompéi qui a été révélée », s’enthousiasme le producteur.

Outre les bâtiments, la fouille a mis au jour les squelettes de quinze habitants qui n’avaient pas fui. « Il faut savoir qu’ils n’avaient jamais vécu d’éruption, et se sont retrouvés piégés. » Grâce à des analyses ADN, il a ainsi pu être établi s’ils avaient des liens de parenté, puis les archéologues ont reconstitué leur histoire. Des hommes ont été trouvés sur les toits, les femmes et six enfants dont un nouveau-né, avaient été mis à l’abri dans les maisons. Pour raconter leur histoire et comprendre ce qui leur était arrivé et mettre le spectateur au cœur de ce drame, il fallait absolument fixer tout comme sur une scène de crime. La reconstitution se devait d’être précise, mais vivante.

C’est ainsi que Stéphane Millière décide de recréer sous forme de fiction la fin tragique de ces Pompéiens. Grâce aux indices récoltés par les archéologues, va être ainsi être reconstituée la chronologie de cette journée du 24 octobre 79. Dès que le choix du docu-fiction a été acté, l’idée naît que ces reconstitutions sont en fait une plongée dans les réflexions de Massimo Osanna. Ces scènes reconstituées s’intercalent entre les découvertes. « Ce dispositif permet de suivre, au travers du regard de Massimo Osanna et de l’évolution de ses hypothèses, l’enquête menée sur le terrain », argumente Stéphane Millière. Pour que documentaire et fiction s’articulent parfaitement, reconstituer à l’identique et en détail la rue, était crucial. « Ces saynètes de fiction permettent aussi de vulgariser, de mettre le spectateur au centre de l’action, tout en lui transmettant l’émotion de la découverte ressentie par les archéologues », ajoute Pierre Stine.

 

Une rue de Pompéi rebâtie en Bulgarie

Pour ce faire, cette rue a été précisément dessinée par Hubert Naudeix. « Il a reconstitué le carrefour, l’intérieur du bar, de la maison au jardin, avec les inscriptions, mais aussi les fresques. C’est aussi l’une des spécificités de ce film atypique : reconstituer aussi précisément une rue de Pompéi n’avait jamais été réalisé. C’était une étape incontournable. J’ai visité des décors romains existants, mais cela ne collait pas : il fallait que le décor des fictions soit parfaitement fidèle à la rue de Pompéi fouillée par les archéologues, mais telle qu’elle était en 79, avant l’éruption, afin que l’histoire, écrite au fil de la mission, fonctionne », reprend Stéphane Millière.

Une fois les plans exacts redessinés par Aristéas, le tout est envoyé au studio choisi, en Bulgarie, à Dolna Malina. La rue, la maison au jardin, les fresques, les peintures, tout y est fabriqué à l’identique. C’est alors l’heure de tourner le scénario écrit par Flore Kosinetz. « Nous avons travaillé avec le producteur bulgare Gabriel Georgiev et des acteurs bulgares. Le tournage a duré cinq jours avec deux équipes à raison de douze heures quotidiennes », précise Stéphane Millière. « C’était une sacrée aventure qui s’est très bien déroulée. Comme le budget est moins important qu’en fiction, il faut être adepte du système D, tout s’est parfaitement bien passé. Tout le monde était très impliqué, on avait reconstitué la rue, la maison avec les peintures, les costumes étaient très soignés ; même Stéphane Millière a participé, en costume d’époque. Tout avait été documenté sur la base des découvertes des scientifiques », sourit Pierre Stine. « Nous avons tourné en 4K et 5K », reprend-il. Et pour coller encore plus à la réalité, « les dialogues étaient doublés en latin », ajoute Stéphane Millière.

Enfin, si certains effets spéciaux, tels que la chute des lapilli, ont été réalisés en temps réels, la dernière étape de fabrication du film s’est déroulée en Belgique dans le studio SFX Nozon. Pour découvrir le résultat de ce projet hors norme, il faudra attendre encore un peu. Sa diffusion est prévue sur France 5 au premier trimestre 2020. Et pour prolonger le docu-fiction, une exposition immersive audiovisuelle coproduite par Gedeon Programmes et la Réunion des Musées Nationaux prendra place dans le salon d’honneur du Grand Palais du 25 mars au 8 juin 2020. Ce dispositif multisupports sera complété par une série éducative diffusée sur Lumni, et un jeu VR multijoueurs qui sera installé au Grand Palais pendant une partie de la durée de l’exposition.

 

Une coproduction solide

Les dernières heures de Pompéi, réalisé par Pierre Stine, 2 x 52 minutes et 1 x 90 minutes, est coproduit par Gedeon Programmes avec le Parc archéologique de Pompéi, CuriosityStream, AT Prod, RTBF, NHK, EBU Coproduction Fund, en association avec France Télévisions, ZDF, CCTV9, SBS, SVT, Ceska TV, Planète + et avec le soutien de Creative Europe Media, du CNC, de la Procirep-Angoa, en association avec Cinémage 13 pour un budget global de 1,6 million d’euros

 

Retrouvez la suite de l’article sur les SFX du docu-fiction ici

 

Les dernières heures de Pompéi seront diffusés sur France 5, jeudi 26 mars à 20h50 dans le cadre du magazine Science grand format.

 

Pour poursuivre l’aventure :

Nouvelle plateforme éducative de l’audiovisuel public, LUMNI.fr propose une série de modules pédagogiques produite par GEDEON Programmes en coproduction avec l’INRAP et Canopée : Pompéi, sur les traces des Romains.Comment vivaient les Romains ? A quoi pouvait ressembler leur environnement ? Étaient-ils si différents de nous ? La série de 12×5′ répond à ces questions qui sont au programme des classes de collège et lycée.

France Télévisions partenaire de l’exposition POMPÉI : Promenade immersive. Trésors archéologiques. Nouvelles découvertes. qui aura lieu du 25 mars au 8 juin au Grand Palais. Le site archéologique unique est au centre d’une expérience immersive organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et GEDEON Programmes, en collaboration avec le Parc archéologique de Pompéi.

 

Extrait de notre article paru pour la première fois dans Mediakwest #35, p.64/66. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.